Introduction
Le Rapport sur l’éducation à la petite enfance (REPE) est produit par le Atkinson Centre for Society and Child Development de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario/Université de Toronto. En créant un pont entre la recherche, la pratique et les politiques publiques, le Centre cherche à optimiser les résultats pour les jeunes enfants et leurs familles. Le Centre Atkinson compte sur ses partenaires stratégiques pour jouer un rôle crucial dans la recherche, le développement de contenu, et la valorisation et la mobilisation des connaissances. Le Centre souhaite remercier ses bailleurs de fonds, nommés ci-dessous, ainsi que le Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, qui a participé à la rédaction du présent rapport et a supervisé la préparation du profil québécois et les traductions en français. Bien entendu, le Rapport ne serait pas possible sans l’aide des responsables provinciaux et territoriaux qui ont fourni des données et révisé les ébauches. De nombreuses autres personnes, trop nombreuses pour être nommées ici, ont contribué à l’élaboration du REPE. La liste des collaborateurs se trouve sur le site Web. Tout en reconnaissant la contribution de nombreuses personnes, les auteurs acceptent l’entière responsabilité du contenu.
Pour contacter les auteurs et pour accéder à la version complète du REPE, qui inclut cet aperçu, un profil de chaque province ou territoire, la méthodologie ayant structuré ce rapport, des références, graphiques et tableaux, ainsi que des documents issus des rapports antérieurs, visitez le site ECEReport.ca/fr.
Le REPE est publié tous les trois ans. L’édition de 2020 est la quatrième évaluation des structures provinciales et territoriales pour les services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) au Canada. Les données sont à jour en date du 31 mars 2020 et, à ce titre, elles tiennent compte de l’incidence de la ronde de financement fédéral 2017-2020 par le biais d’ententes bilatérales rattachées au Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. La publication de cette édition a été reportée en raison de la COVID-19. Les observations se basent sur les réalités antérieures à la COVID-19 et doivent être considérées dans ce contexte; toutefois, les leçons tirées des changements provoqués par la pandémie peuvent être greffées aux conclusions. Le moment choisi pour la publication de ce rapport fournit également une base de référence pour comprendre l’impact de la pandémie et du budget fédéral de 2021 sur les services à la petite enfance.
Emis Akbari, Kerry McCuaig, et Daniel Foster
Principaux changements apportés au Rapport sur l'éducation à la petite enfance (REPE) 2020
Élaboration du rapport
Le REPE a été élaboré sur la base des politiques ayant émergé de l’étude des programmes d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) conduite par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2004 dans 20 pays.
Dans son rapport, l’OCDE a formulé les recommandations suivantes afin que les pays améliorent leurs services en EAJE :
- Surveiller la gouvernance. La responsabilité des services consacrés aux jeunes enfants est divisée dans différents ministères. Un seul ministère doit les diriger et en avoir la responsabilité.
- Investir davantage, mais judicieusement. Les enfants en bas âge ont besoin de services de qualité, et l’économie requiert des parents actifs sur le marché du travail. L’EPE de qualité peut répondre à ces deux nécessités.
- Augmenter l’accessibilité, mais sans diminuer la qualité. Les services de piètre qualité nuisent aux enfants et causent des pertes de ressources financières.
- Investir dans la main-d’oeuvre. Les éducatrices de la petite enfance doivent se voir accorder les mêmes responsabilités et les mêmes possibilités de carrière et ressources que celles qu’ont les enseignants des écoles publiques.
- Rendre des comptes. Veiller à ce que l’évaluation et la recherche soient menées afin de rester à l’affût de l’évolution de la science et des besoins sociaux. Rendre les résultats accessibles au secteur de la petite enfance et au public pour permettre une amélioration continue de la qualité.
Enfin, l’OCDE a constaté qu’il n’existait pas de mécanisme de suivi commun aux 13 provinces et territoires du Canada pour garantir aux Canadiens la valeur de leur investissement. Ainsi, pour combler ce manque, le REPE a été réalisé en 2011 dans le cadre du Point sur la petite enfance 3. Vingt et un points de référence, organisés en cinq catégories de même valeur, évaluent les structures de gouvernance, les niveaux de financement, l’accès, la qualité des environnements d’apprentissage précoce et la rigueur des mécanismes de responsabilisation. Les résultats se basent sur des profils provinciaux et territoriaux détaillés, élaborés par les auteurs et revus par des fonctionnaires, qui déterminent ensemble les points de référence attribués. Les points de référence du rapport ne sont pas des objectifs à atteindre, mais plutôt des exigences minimales. Plusieurs indicateurs importants n’ont pas pu être inclus, car les données correspondantes ne sont pas disponibles.
Terminologie
Au Canada, différents termes sont utilisés pour décrire les programmes destinés aux enfants avant qu’ils commencent leur scolarité régulière. En raison de la répartition constitutionnelle des pouvoirs, l’éducation est du ressort des provinces et des territoires. Ainsi, les ententes fédérales/provinciales/territoriales utilisent le terme « apprentissage et garde des jeunes enfants ». Le rapport emploie le langage international de « l’éducation et l’accueil des jeunes enfants », ou EAJE. l’EAJE désigne les programmes de groupe destinés aux jeunes enfants, fondés sur un programme d’études précis, offerts par du personnel qualifié et conçus pour favoriser le développement et l’apprentissage des enfants. Les enfants fréquentent ces programmes de façon régulière, et ils peuvent y participer seuls ou avec leurs parents ou leurs gardiens. Cela comprend les services de garde réglementés, mais aussi les maternelles, les prématernelles, le préscolaire, les crèches et les centres parents-enfants, ainsi que le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones.
« Éducatrice de la petite enfance » est la désignation professionnelle des personnes détenant des études postsecondaires en développement de la petite enfance.
Le Rapport sur l’éducation à la petite enfance (REPE) considère l’EAJE selon la perspective des droits des enfants : chaque jeune enfant, peu importe son lieu de résidence, ses aptitudes, sa langue et ses origines, ou la profession de ses parents, mérite d’y avoir accès.
Points de référence de la qualité en éducation à la petite enfance
Le défis à relever pour bâtir un système d'EAJE
Les obstacles auxquels se heurte une stratégie pancanadienne en matière d’EAJE sont connus. L’EAJE représente une responsabilité provinciale/territoriale, ce qui signifie 14 modèles de services différents qui incluent des volets distincts pour les communautés des Premières nations, des Métis et des Inuits. Malgré ces frontières juridictionnelles, il existe de réels points communs à travers le Canada en matière de politiques, de personnel, d’accessibilité et quant aux attentes par rapport à l’enseignement public. En revanche, ces facteurs varient considérablement dans le secteur de la garde d’enfants. On s’attend à ce que les services de garde répondent à un certain nombre d’enjeux sociaux et économiques, mais selon la province ou le territoire, ils peuvent être avant tout conçus comme un programme d’aide sociale, un soutien pour les femmes sur le marché du travail, une intervention visant la préparation pour l’école ou une occasion d’investissement pour les entrepreneurs. Ainsi, ils sont rarement considérés comme un service auquel les enfants ont droit.
La recherche montre de façon récurrente les défis rencontrés dans tout le pays : financement instable et inadéquat, contrôle insatisfaisant, accessibilité inéquitable, manque de places, tarifs inabordables, lacunes dans les services et lors des transitions, et souvent, mauvaises conditions de travail et de rémunération pour les éducatrices de la petite enfance. À défaut d’avoir une stratégie qui considère la garde d’enfants comme un bien public, celle-ci a souvent été laissée aux entreprises à but lucratif.
Pourcentage des garderies à but lucratif vs à but non lucratif par province/territoire (de 0 à 12 ans)
Le Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et les Accords bilatéraux de 2017
Le Cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants de juin 2017 a remis sur la table fédérale l’apprentissage précoce après une décennie d’absence. Il fut suivi un an plus tard par le Cadre d’apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Ces cadres ont jeté les bases permettant aux gouvernements de travailler à une vision commune et d’élargir l’accès à l’EAJE. Ils étaient uniques, car ils reconnaissaient l’apprentissage et la garde des jeunes enfants comme une aide au développement optimal des enfants. Ils accordaient une attention particulière aux familles les plus vulnérables et aux communautés défavorisées et s’engageaient à améliorer la qualité, l’accès, l’accessibilité, la flexibilité et l’inclusion des services.
Le budget fédéral de 2017 comprenait un plan de financement de 7,5 milliards de dollars sur 11 ans pour les deux cadres. Des Accords bilatéraux ont été conclus entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires, à l’exception de l’Entente asymétrique – Volet concernant l’apprentissage et la garde des jeunes enfants pour le Québec, ainsi que les accords séparés avec la Nation métisse et les Inuits. Un montant d’environ 1,2 milliard de dollars a été accordé pendant les trois premières années; cette somme a été investie en premier dans les services de garde réglementés et les services de soutien connexes destinés aux enfants de 6 ans et moins. À l’exception du Québec, les provinces et territoires étaient tenus de rédiger des plans d’action triennaux décrivant leurs priorités propres et servant de guides pour l’utilisation des transferts fédéraux. L’intérêt fédéral a accentué l’attention accordée à l’EAJE, le Nouveau-Brunswick, la Colombie-Britannique, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ayant annoncé des plans visant à créer un accès universel à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants.
Budget 2021 et financement d'un système pancanadien pour la garde d'enfant
Le budget 2021 présente les intentions du gouvernement fédéral concernant la mise en place d’un programme pancanadien basé sur les principes d’accès équitable, de qualité et d’abordabilité. Il prévoit de nouveaux investissements totalisant 30 milliards de dollars sur 5 ans à compter de 2021, dont 1,4 milliard de dollars pour les familles autochtones. Par la suite, un montant de 9,2 milliards de dollars sera versé annuellement, dont 385 millions de dollars pour les programmes autochtones. Le budget 2021 indique un parti pris pour la prestation de services publics et sans but lucratif et oriente manifestement le financement vers le fonctionnement des programmes afin d’améliorer l’accès et de réduire les frais, plutôt que d’aller vers les paiements aux parents. Il s’éloigne ainsi de l’approche actuelle et considère les services de garde comme un bien public.
Des inégalités grandissantes en cette période de crise
Cette attention bilatérale accordée aux services de garde n’a pas été suffisante pour préparer le secteur à la pandémie de la COVID-19. En mars 2020, la COVID-19 a entraîné des fermetures généralisées de lieux de travail et de services dans tout le pays et a obligé les gouvernements à formuler des réponses en temps réel. Les écoles et les services de garde ont été parmi les premiers services à fermer, créant un manque de ressources pour les parents. Les mesures de santé publique, mises en place pour protéger la population, ont ébranlé les revenus des familles et les réseaux sociaux assurant le bien-être des enfants. De nombreux services de garde ont fermé leurs portes en raison de la hausse des coûts liés aux mesures de santé publique, tandis que d’autres ont continué de fonctionner, mais avec des groupes moins nombreux et, donc, une baisse de leurs revenus.
Les inégalités ont encore augmenté pendant la pandémie, car les familles ont eu du mal à trouver des ressources pour assurer l’apprentissage et le développement de leurs enfants. Les familles plus privilégiées ont pu contourner les fermetures et trouver des solutions de rechange, tandis que les familles plus vulnérables ont été laissées pour compte.
Le document canadien sur le Bilan Innocenti 16 de l’UNICEF publié en septembre 2020, intitulé de manière tout à fait appropriée Aux antipodes, a révélé que le Canada se situe bien en dessous de la moyenne dans la plupart des indicateurs du bien-être des enfants, se classant 30e sur 38 pays riches. Le rapport a montré comment se portaient les enfants et les jeunes Canadiens avant la survenue de la pandémie, en précisant que les mesures de contrôle découlant de la pandémie, notamment les fermetures d’écoles et de services de garde, ont eu un impact plus important sur les enfants et ont exacerbé les disparités existantes en matière d’équité.
En novembre 2020, Statistique Canada a noté que les parents seuls ayant de jeunes enfants étaient environ 41 000 de moins à travailler, soit 25 % de moins qu’à la même période en 2019. Des représentants de Toronto ont rapporté que moins de la moitié des familles qui recevaient une subvention pour frais de garde avant la pandémie ont réinscrit leurs enfants lorsque les services de garde ont rouvert entre les vagues de la pandémie. Ainsi, les conditions de subvention exigeant que les parents travaillent ou étudient à temps plein ont encore plus désavantagé les familles à faible revenu, ce qui n’a fait que perturber davantage l’apprentissage précoce des enfants.
Le Canada comptait dans sa population active moins de mères que d’autres pays riches, et la pandémie en a forcé davantage à rester à la maison. Même avant la COVID, les faibles taux d’emploi se concentraient plutôt autour des femmes ayant de jeunes enfants et des mères célibataires.
Chez les femmes ayant des enfants de moins de 6 ans, le taux d’emploi est environ 10 % plus bas par rapport à celui des femmes ayant des enfants plus âgés ou n’ayant aucun enfant. À l’inverse, les hommes ayant des enfants sont plus susceptibles de travailler que ceux qui n’en ont pas, et l’âge de leur plus jeune enfant a peu d’effet sur leur taux d’emploi.
"Les défis engendrés par la COVID-19 persisteront jusqu’à ce que nous ayons un traitement efficace. À ce jour, l’impact de la pandémie sur le marché du travail a pesé beaucoup plus lourdement sur les femmes. À court terme, les politiques visant à résoudre la question de la garde des enfants seront cruciales pour retenir les femmes sur le marché du travail. La participation des femmes au marché du travail à égalité avec les hommes aurait pour effet d’augmenter la production économique d’environ 100 milliards de dollars par an. La COVID-19 a créé un fossé qui prendra beaucoup de temps à combler – il est crucial pour la reprise et le succès durable du Canada que les femmes retournent sur le marché du travail."
- Dawn Desjardins, Économiste en chef adjointe, RBC
Parallèlement à la pandémie, le mouvement Black Lives Matter (la vie des Noirs compte) a pris beaucoup d’ampleur, attirant l’attention du monde entier sur les inégalités fondées sur le racisme. Le racisme systémique au sein des systèmes de santé et d’éducation canadiens est plus que jamais évident.
Les avantages des programmes d’éducation à la petite enfance qui sont bien conçus et de qualité sont abondamment documentés. Pour les enfants, ils englobent des compétences accrues en littératie et en numératie, ainsi que de meilleures aptitudes socioémotionnelles, l’impact se faisant le plus sentir chez les enfants vulnérables et chez ceux vivant dans la pauvreté. Citons également l’augmentation du taux de diplomation au secondaire et des revenus à l’âge adulte. Les avantages socioéconomiques découlent également du rôle de l’éducation précoce en tant que créateur d’emplois et stimulant économique, tout en permettant aux parents de travailler ou d’étudier. Il en résulte une diminution du recours aux programmes gouvernementaux d’aide sociale, une réduction de la pauvreté et une hausse des recettes fiscales. L’éducation précoce est également une plate-forme très efficace pour le dépistage et l’intervention précoces, ce qui réduit les coûts éventuels associés à l’éducation spécialisée.
Dans ce pays diversifié qui dépend fortement de l’immigration, l’éducation précoce favorise l’établissement de nouveaux arrivants. Les évaluations économiques canadiennes ont démontré que l’éducation à la petite enfance présente l’un des meilleurs retours sur l’investissement, c’est-à-dire de 2 à 7 $ pour chaque dollar dépensé. De plus, les programmes d’éducation préscolaire offrent aux jeunes enfants leurs propres espaces et lieux pour jouer et apprendre et où ils reçoivent du soutien pour leur développement.
Les [communautés] noires et autochtones ont été frappées de manière disproportionnée par la pandémie, et il est aujourd’hui évident que des approches centrées sur l’équité sont nécessaires. Les écarts de financement pour les enfants autochtones et non autochtones doivent cesser. Les gouvernements doivent faire en sorte que tous les enfants, peu importe leur statut économique, leur origine, l’emploi de leurs parents, leur ethnie et leur ethnicité, aient les mêmes chances. Cela exige des politiques équitables.
- Neil Price, Doyen, School of Justice and Community Development, Fleming College.
La rapport 2020
La date de publication du REPE 2020 a permis d’évaluer l’impact des accords bilatéraux sur les services à la petite enfance. Les accords bilatéraux ne couvrent pas tous les aspects politiques abordés dans le REPE, mais lorsqu’ils sont applicables, leur impact est analysé.
En raison des changements dans les points de référence du REPE 2020, certaines provinces pourraient voir baisser leur résultat global, ce qui ne reflète pas nécessairement un sous-investissement ou des modifications aux politiques.
Gouvernance
Les structures de gouvernance qui sont réparties entre plusieurs ministères sont associées à des services d’EAJE de moindre qualité et à des coupures dans le parcours d’apprentissage lorsque les enfants passent des programmes pour la petite enfance au primaire. Lors de la publication du rapport de l’OCDE sur le Canada en 2004, aucun territoire ou province ne disposait d’une structure de gouvernance intégrée. Depuis, neuf instances ont regroupé leurs divisions des services de garde avec leurs ministères de l’Éducation; le Yukon effectuait ce changement en avril 2021. Ce qui se passe au sein des ministères qui abritent à la fois les services de garde et d’éducation est également important.
La maternelle a un rôle particulièrement important à jouer dans les efforts de réduction des inégalités, car elle touche tous les enfants – elle est universelle et la plupart des enfants la fréquentent. Il n’y a pas de préjugé social associé au fait d’envoyer ses enfants à la maternelle. Au contraire, il s’agit d’une norme sociale. Ainsi, les enfants issus de familles à faible revenu, de familles d’immigrants, de familles où l’anglais est une langue seconde et d’autres types de familles fréquentent tous la maternelle.
Fédération des enseignants et des enseignantes de l'élémentaire de l'Ontario (FEEO)
L’exigence bilatérale selon laquelle les provinces et territoires doivent élaborer des plans d’apprentissage et de garde des jeunes enfants en a incité plusieurs à examiner leurs cadres stratégiques, et certains, comme le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador, ont modifié leurs plans pour se conformer aux principes du Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.
La séparation entre l’apprentissage et la garde est plus marquée à l’échelle locale, où, souvent, ils ont des structures administratives distinctes. Certaines provinces tentent de corriger cette situation. Par exemple :
- Le Nouveau-Brunswick inclut ses administrateurs de la petite enfance dans les équipes régionales de gestion des écoles;
- Les Administrations scolaires de district du Nunavut doivent promouvoir la langue et la culture inuites dans les programmes d’éducation à la petite enfance. Elles le font soit en soutenant les programmes de garde existants, soit en exploitant leurs propres programmes;
- Le Québec a mis en place de nouveaux comités interministériels, dont deux qui ont un pouvoir écisionnel, pour assurer la continuité des services offerts aux enfants lorsqu’ils passent de la petite enfance à l’école;
- En Ontario, 47 gestionnaires de systèmes de services régionaux supervisent l’ensemble des services à la petite enfance et doivent collaborer avec les commissions scolaires pour voir à la planification et au développement.
Financement
Les investissements des provinces et territoires dans le milieu de l’éducation et la garde des jeunes enfants ont augmenté de plus de 3 milliards de dollars de 2017 à 2020, ce qui représente plus du double des nouveaux transferts fédéraux effectués dans le cadre des accords bilatéraux. Cela porte le total des dépenses à l’échelle du Canada à 14,6 milliards de dollars. Depuis le REPE de 2017, chaque province et territoire a bonifié son financement. Les provinces les plus peuplées, soit l’Ontario et le Québec, représentent un grand pourcentage des dépenses totales. L’Île-du-Prince Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont augmenté leurs dépenses en matière d’EAJE de plus de 20 %. L’Alberta et Terre-Neuve-et-Labrador ont presque triplé leur financement depuis le premier REPE en 2011.
Population d'enfants de 5 ans et moins par province/territoire
Dépenses d'exploitation, par place en garderie et par enfant, dans les programmes scolaires
Si le financement a augmenté, il est important de déterminer quel est le pourcentage des ressources provinciales/territoriales consacrées aux services d’EAJE. Le point de référence ici est un minimum de 3 % des dépenses annuelles totales budgétées par les provinces et les territoires. Dans le REPE 2020, le Québec et l’Ontario sont les seules provinces à dépasser ce point de référence des dépenses. D’ailleurs, celui-ci est un objectif modeste pour les enfants de moins de 6 ans, qui représentent près de 7 % de la population du Canada. Dans chaque province et territoire, les enfants autochtones de moins de 6 ans représentent jusqu’à 15 % de la population autochtone. Cependant, les écarts de financement entre les enfants autochtones et non autochtones persistent. Les fonds réservés aux Premières nations, aux Métis et aux Inuits dans le Budget 2021 témoignent d’une volonté manifeste de combler ces écarts et d’autres disparités.
La différence entre l’éducation et la garde d’enfants est à nouveau illustrée par les inégalités en matière de financement.
Population d'enfants de moins de 6 ans, par province/territoire
Dépenses en éducation et accueil des jeunes enfants, par province/territoire (2020)
Évolution des dépenses totales en éducation et accueil des jeunes enfants
Les dépenses par place de service de garde sont nettement inférieures à ce que la plupart des gouvernements dépensent pour un enfant fréquentant l’école.
Dans son rapport de 2004, l’OCDE notait que la structure tarifaire du Canada, déterminée par le marché pour les services de garde, a engendré des frais élevés pour les parents et des systèmes de subvention inefficaces aux critères d’admissibilité variables et complexes. Les niveaux de financement sont importants, mais la façon dont les programmes sont financés fait également une différence. Une approche universelle semble plus efficace pour ce qui est d’inclure les enfants de familles à faible revenu et vulnérables. L’inscription mixte dans les services d’EAJE est également liée à de meilleurs résultats que les programmes ciblés pour les enfants issus de familles à faible revenu.
Pourcentage de la hausse des dépenses en éducation et accueil des jeunes enfants par province/territoire 2017 à 2020
Le financement direct pour le fonctionnement des programmes a un impact positif sur les salaires des employés et sur la stabilité des programmes, tandis que le financement par des subventions pour les frais des parents ou des mesures fiscales a peu d’impact. Étant donné que les subventions pour les frais versés aux parents reflètent rarement le coût réel du service de garde, quand elles sont une source principale de revenus pour celle-ci, elles ont tendance à faire baisser les salaires des employés. Le point de référence des deux tiers du financement pour le fonctionnement du programme a été choisi parce qu’il est associé à une plus grande stabilité des services. Toutes les provinces, à l’exception du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario et de l’Alberta, ont atteint ce seuil en 2020.
Financement des programmes de garderies agréées par rapport aux dépenses liées aux subventions
Les politiques des provinces et des territoires qui gèrent les frais imposés aux parents afin qu’ils restent abordables et qui établissent une échelle salariale pour rémunérer adéquatement les éducatrices favorisent l’accessibilité et la qualité des programmes d’éducation préscolaire. Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et le Québec ont atteint ce point de référence.
Les autres provinces et territoires ont pris des mesures pour réduire les frais imposés aux parents. Par exemple :
- Le Manitoba régule les frais aux parents;
- Le Nouveau-Brunswick allège les coûts pour les familles à faible revenu et fixe un plafond pour les frais dans ses Centres de la petite enfance désignés;
- Les centres prototypes en Colombie-Britannique fixent les frais parentaux à 10 $ par jour, tandis que d’autres peuvent demander des paiements afin de réduire les coûts mensuels demandés aux parents;
- Depuis avril 2021, le Yukon verse aux responsables 700 $ par mois par enfant à temps plein, somme qui doit être transférée aux parents par une réduction des frais. Un plafond sur les augmentations de frais a également été instauré.
Le projet de l’Alberta visant à offrir des services de garde à 25 $ par jour a pris fin en mars 2021.
Accessibilité
Le budget 2017 a accordé des fonds aux provinces et aux territoires dans le but de créer 40 000 places en services de garde pour les enfants de la naissance à 6 ans. Le REPE 2020 montre une augmentation de plus de 100 000 places en services de garde réglementées, soit en installation ou en milieu familial, pour ce groupe d’âge, c’est-à-dire plus du double de l’objectif fédéral.
Le point de référence du REPE évalue l’accès à un minimum de 50 % des enfants de 2 à 4 ans fréquentant des services de garde réglementés et des programmes administrés par les écoles. Les enfants de 5 ans sont exclus du calcul, car la majorité fréquente la maternelle, et les nourrissons, quant à eux, sont moins susceptibles de nécessiter des services d’EAJE en raison du congé parental. L’accès en général selon cette mesure a légèrement diminué : de 56 % en 2017, il est passé à 55 % en 2020 , sans compter la garde en milieu familial. L’Île-du-Prince-Édouard a pour sa part connu une augmentation de 20 %.
De façon générale, la maternelle est la seule éducation préscolaire que reçoivent la plupart des enfants. Le fait de passer deux années dans un programme préscolaire est associé à de plus grandes compétences en littératie et en numératie ainsi qu’à de meilleures aptitudes de maîtrise de soi. Lorsque la maternelle est offerte toute la journée, elle aide également la participation des mères au marché du travail.
Dix provinces et territoires offrent des programmes de maternelle à temps plein pour les enfants de 5 ans, tandis que le Manitoba, la Saskatchewan, et l’Alberta offrent des programmes à temps partiel. Le Nunavut met actuellement à l’essai la maternelle à temps plein.
D’autres provinces ou territoires utilisent leur plate-forme d’éducation pour multiplier les occasions offertes aux jeunes enfants. Par exemple :
- La Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest se rallient à l’Ontario pour offrir des programmes scolaires à temps plein à tous les enfants de 4 ans;
- Le Québec s’est engagé à offrir la prématernelle à temps plein d’ici 2023;
- Le Nunavut a un projet pilote qui offre la maternelle à temps plein aux enfants fréquentant les écoles de langue française;
- À partir de l’année scolaire 2021, le Yukon offrira la maternelle à temps plein aux enfants de 4 ans vivant à l’extérieur de Whitehorse.
Les plans de l’Île-du-PrinceÉdouard et de Terre-Neuve-et-Labrador visant à offrir un programme à tous les enfants de 4 ans ont été mis en suspens en raison de la pandémie.
Les enfants ayant des besoins articuliers ont le droit de fréquenter l’école, mais sauf certaines exceptions, ce n’est pas le cas pour tous les services de garde. Bien que la plupart des provinces et territoires offrent des subventions et autres soutiens pour accueillir les enfants ayant des besoins spéciaux, les responsables ne sont pas obligés de les accueillir. Seul le Manitoba soumet le financement des services de garde à l’inclusion des enfants ayant des besoins spéciaux. L’Île-du-Prince-Édouard exige une inscription inclusive dans ses centres de la petite enfance gérés publiquement. En Alberta, les Services à la petite enfance doivent accepter les enfants ayant des besoins spéciaux.
Participation des mères au marché du travail, par province/territoire et selon l'âge du plus jeune enfant
Pourcentage d'enfants de 2 à 4 ans fréquentant régulièrement un programme de groupe pour la petite enfance, par province/territoire
Évolution du nombre de places en garderie, par province/territoire (naissance à 5 ans)
Pourcentage d'enfants qui fréquentent des programmes d'éducation préscolaire administrés par les écoles
Provinces/territoires où le financement public pour les services de garde est conditionnel à l'inclusion des enfants ayant des besoins spéciaux
Qualité
La plupart des accords bilatéraux se penchent sur le développement professionnel du personnel éducatif. Cependant, les points de référence associés à la main-d’oeuvre en petite enfance n’ont montré que peu de progrès. Dans le REPE, le salaire le plus élevé d’une éducatrice de la petite enfance qualifiée est comparé au salaire médian d’un enseignant du primaire. Le point de référence selon lequel une éducatrice gagne au moins deux tiers du salaire d’un enseignant reflète un écart acceptable en raison des différentes exigences de formation.
Bien que les accords bilatéraux ne prévoyaient pas de mesures pour améliorer la rémunération des éducatrices, les provinces et les territoires ont fait d’autres démarches en ce sens. Par exemple :
- En avril 2021, le Yukon a revu à la hausse son augmentation de salaire maximale, qui est passée de 12,11 $ à 17,11 $ l’heure;
- L’Ontario, la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick, les Territoires du Nord-Ouest et Terre-Neuve-et-Labrador ont tous accordé une hausse salariale aux éducatrices de la petite enfance qui va de 2,00 $ à 8,13 $ l’heure;
- L’Île-du-Prince-Édouard (Early Years Centres) et le Québec (Centres de la petite enfance) disposent de grilles salariales reflétant les différents diplômes et expériences du personnel travaillant dans les installations publiques;
- Le Manitoba a adopté un plancher salarial;
- Les autres provinces et territoires incluent l’aide salariale dans les subventions accordées pour leur fonctionnement.
L’apprentissage précoce de grande qualité dépend d’éducatrices qualifiées qui disposent de ressources suffisantes. Aucune province au Canada n’exige que toutes les personnes travaillant avec de jeunes enfants dans des services de garde réglementés détiennent des qualifications de niveau postsecondaire. Les deux tiers du personnel travaillant directement avec les enfants doivent détenir des accréditations reconnues, ce qui est considéré comme le minimum international. Le respect de cette norme est révélateur de la valeur accordée aux éducatrices. Des améliorations ont été apportées à la formation et aux certifications des éducatrices, notamment :
- Le Nouveau-Brunswick est passé d’un membre du personnel en services de garde sur quatre ayant des qualifications en petite enfance à un sur deux;
- La Nouvelle-Écosse a établi une formation de base pour tout le personnel et a engagé des consultants en développement de la petite enfance pour épauler les éducatrices dans les services de garde agréés;
- L’Île-du-Prince-Édouard offre une subvention visant l’amélioration de la qualité afin d’aider le personnel des services de garde à obtenir une certification et d’augmenter les titres de compétences des éducateurs déjà qualifiés;
- Terre-Neuve-et-Labrador a augmenté les exigences de formation et élargi les programmes de bourses d’études.
- La BC a financé 1003 places supplémentaires en EPE dans 13 établissements postsecondaires publics.
Le manque d’éducatrices a incité certaines provinces à diminuer leurs exigences de qualification. Par exemple, l’Ontario a déposé des modifications législatives permettant aux personnes n’étant pas certifiées par le College of ECE d’être considérées comme du « personnel qualifié » pour les services de garde agréés accueillant des enfants de 4 ans et plus. De plus, l’Alberta ne gère plus le système de certification des services de garde, qui encourageait l’embauche de personnel qualifié.
Bien que chaque province et territoire dispose de politiques d’inclusion, la pratique est différente, et les enfants à qui profiteraient le plus une intervention et un soutien précoces demeurent exclus. Nous sommes fiers de notre société et de notre système scolaire inclusifs, mais ce n’est pas encore le cas pour l’éducation à la petite enfance. Cet objectif peut être atteint – il suffit d’avoir la volonté politique pour y parvenir.
Dr. David Philpott, Professeur, Université Memorial, Terre-Neuve-et-Labrador
La plupart des provinces ont consacré le financement fédéral qui leur est accordé pour bonifier les options professionnelles des éducatrices. Le Manitoba a mis à l’essai la formation de 100 animateurs sur les programmes inclusifs dans un modèle d’intervention précoce. Ces animateurs forment à leur tour le personnel de trois installations chaque année et offrent du soutien continu sur les pratiques et les programmes inclusifs. Le Yukon a alloué des fonds supplémentaires à l’enseignement de la petite enfance pour les élèves des communautés rurales. Et pour la première fois, les Territoires du Nord-Ouest offriront un programme de deux ans menant à un diplôme.
La pratique des éducatrices est encadrée par des programmes d’études visant les jeunes enfants et qui sont conçus pour stimuler leur curiosité et leur créativité naturelles, en valorisant chacun d’entre eux de manière égale, et en les aidant à effectuer leurs transitions pendant leurs premières années et à l’école. Toutes les provinces ont maintenant des programmes-cadres; ceux du Nunavut et du Yukon sont en cours d’élaboration. Dans huit régions, l’utilisation du cadre est obligatoire dans certains ou dans tous les programmes financés. Ainsi, le Québec a renouvelé son cadre pédagogique pour tous les établissements d’éducation préscolaire, exigeant notamment la documentation continue du développement de chaque enfant. La Colombie-Britannique a modifié son cadre pédagogique, l’étendant aux enfants de la naissance à 8 ans (il couvrait initialement de la naissance à 5 ans).
Majoration maximale du salaire horaire pour les éducatrices de la petite enfance
Responsabilité
La collecte de données, le suivi et les rapports font partie intégrante de la responsabilité démocratique. Ils sont essentiels pour la prise de décision éclairée et garantissent que les ressources sociales sont mises en oeuvre de manière productive et efficace, mais aussi que les ressources, souvent rares, sont distribuées de façon équitable et que les objectifs sociaux sont atteints. Le suivi ne permet pas à lui seul d’obtenir des résultats. Il constitue néanmoins un élément essentiel d’un système plus vaste conçu pour atteindre ces résultats et continuer à rendre des comptes au public.
Les accords bilatéraux exigent que les provinces produisent un rapport public au plus tard le 1er octobre de chaque année de l’accord sur les résultats et les dépenses de la précédente année financière. Bien que la plupart des provinces/territoires aient maintenu leurs processus habituels de production de rapports, ils ne répondent pas tous aux exigences prévues dans les accords bilatéraux. De plus, de nombreuses provinces ont connu des retards dans la collecte de données et la production de rapports en raison de la COVID-19. Aussi, le Québec n’est pas signataire du Cadre multilatéral et dispose de ses propres structures détaillées de rapport.
Presque toutes les régions du Canada sauf l’Alberta utilisent des moyens de surveillance de la santé de la population pour évaluer la situation chez les enfants. Les outils de surveillance actuels ne répondent pas aux besoins des régions du Nunavut à faible population et ne sont donc pas applicables en raison de lacunes dans les données.
Encore des défis à relever et des progrès à accomplir
Le budget 2021, le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants et les accords connexes ont mis l’éducation de la petite enfance et la garde des enfants au premier plan des discussions politiques. Des changements positifs ont été réalisés dans tout le pays. L’accès aux services de garde réglementés pour les enfants de la naissance à 5 ans a progressé, des plans d’action ont été mis sur pied, et les formes de soutien professionnel à la main-d’oeuvre de la petite enfance se sont multipliées. Bien que la ronde d’investissements fédéraux 2017-2020 était insuffisante pour faire bouger substantiellement la cible du REPE pour plusieurs provinces et territoires, des éléments prometteurs indiquent comment une implication fédérale, même à petite échelle, peut être stimulante. Les investissements promis dans le budget 2021 ont le potentiel de mener à des changements importants, à condition que les améliorations de la qualité aillent de pair avec des frais moindres pour les parents et un meilleur accès pour les enfants.
Salaires des éducatrices à la petite enfance en pourcentage du salaire des enseignants
Ratio des éducatrices de la petite enfance et du personnel non qualifié dan les groupes d'âge préscolaire des services de garde réglementés
Évolution des salaires des éducatrices de la petite enfance
Au fur et à mesure que progresse l’implantation, il faut appliquer les leçons apprises au Canada et ailleurs. L’accent doit être mis sur les enfants et sur leurs résultats, et pas seulement sur l’augmentation du nombre de places ou la réduction des frais pour les parents. Une augmentation continue du nombre d’enfants qui sont prêts pour l’école et dont les apprentissages sont encouragés jusqu’à la fin de la scolarité est une mesure déterminante du succès. D’autres mesures pourraient inclure la participation des mères au marché du travail, la diminution de la pauvreté et l’égalité entre groupes ethniques.
Les bases d’un solide système d’EAJE reposent sur les personnes qui les mettent en oeuvre. L’EAJE est un secteur à forte concentration de main-d’oeuvre, où en moyenne 80 % des coûts de fonctionnement sont consacrés aux ressources humaines. La qualité est la clé et elle repose sur la formation, la rémunération et le soutien fournis aux éducatrices. Le financement fédéral devrait permettre de hausser les niveaux de qualification et de proposer une rémunération qui puisse attirer et retenir le personnel qualifié. Les éducatrices ont besoin de tout le soutien accordé à une main-d’oeuvre professionnelle, y compris une gestion saine, la représentation professionnelle, des débouchés en emploi, des collègues formés et la reconnaissance de tous.
Les mesures en matière d’accessibilité doivent s’attaquer aux mécanismes dépassés d’aide sociale qui font un lien entre l’admissibilité aux subventions pour la garde d’enfants à la présence des parents sur le marché du travail. Cette situation pénalise particulièrement les enfants les plus vulnérables, qui se voient refuser l’inscription ou qui entrent et sortent des programmes d’EAJE au gré de la précarité d’emploi de leurs parents.
Les objectifs du gouvernement fédéral en apprentissage et en garde des jeunes enfants s’inspirent de la vaste expérience du Québec en matière de services de garde à faible coût, que le Budget 2021 présente comme un modèle pour le reste du pays. La politique familiale du Québec de 1997 s’articulait autour d’un accès abordable et a changé la dynamique sociale, économique et fiscale de la province. Le Québec utilise deux voies pour offrir un service de garde abordable : le financement direct des programmes en échange de tarifs réduits pour les parents, et de généreux crédits d’impôt pour rembourser les parents qui paient les tarifs en vigueur dans les installations privées. Au fil des ans, la recherche a démontré la qualité moindre des services de garde dans les installations privées.
Soulignons tout de même qu’il n’y a pas de « modèle québécois » unique. Les écoles sont de loin le plus grand fournisseur de services de garde dans la province. Plus de 370 000 enfants de 4 à 12 ans fréquentaient des services de garde offerts par les écoles avant que la pandémie ne vienne tout perturber. Plutôt que de stimuler le secteur de la garde d’enfants en effectuant des paiements aux parents, la nouvelle législation exige que toutes les écoles offrent un accès gratuit à la maternelle pour les enfants de 4 ans d’ici 2023. Déjà populaire auprès des parents, la prématernelle offre de petites classes dirigées par un enseignant spécialisé dans le préscolaire et soutenu par une éducatrice de la petite enfance. Il s’agit d’une approche efficace. Au cours de la dernière année, malgré la COVID-19, près de 1000 nouvelles classes de prématernelle ont été ouvertes dans la province.
Les gouvernements qui cherchent un bon moyen pour développer l’EAJE devraient s’intéresser de près au système public du Québec. Ceux qui souhaitent utiliser des fonds fédéraux pour offrir un meilleur accès à l’EAJE en « éduquant vers le bas », c’est-àdire en étendant l’accès à des enfants de plus en plus jeunes par le biais de leurs écoles, ne devraient pas rencontrer d’obstacles.
Les investissements dans l’éducation à la petite enfance et son accès universel, qui représente un égalisateur potentiel, sont primordiaux en temps de crise. Cependant, les problèmes de discrimination systémique et de racisme au sein des services d’EAJE, y compris l’accès et l’accessibilité financière, doivent être abordés. Le gouvernement fédéral a déployé des efforts pour corriger le sous-financement sans précédent des programmes de la petite enfance destinés aux enfants autochtones et aux groupes généralement mal desservis, notamment les enfants ayant des besoins spéciaux, les personnes parlant une langue minoritaire et les enfants des communautés éloignées.
Si l’on n’aborde pas la question de l’équité, le système universel de garde d’enfants restera un objectif lointain. Le moment est venu de redéfinir et de repenser la manière dont nous répondons aux besoins d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Alors que nous nous dirigeons vers une reprise post-pandémique, la qualité et l’équité doivent être au coeur des plans régionaux et nationaux pour la petite enfance, afin que chaque enfant bénéficie des possibilités que lui offre l’éducation à la petite enfance.
La pandémie a montré très clairement que des services de garde éducatifs accessibles, abordables, inclusifs et de grande qualité ne sont pas un luxe – il s’agit d’un impératif. Ils sont essentiels à notre reprise sociale et économique, car ils stimulent la participation au marché du travail, en particulier celle des femmes. Maintenant plus que jamais, le Canada doit faire des investissements continus et à long terme pour s’assurer que chaque famille a accès à une éducation préscolaire de qualité.
Craig Alexander, Économiste en chef & Conseiller de direction Deloitte, Canada
Rapport sur l'éducation à la petite enfance 2020