Le développement humain en début de vie constitue une danse complexe entre l’hérédité et l’environnement, les gènes et l’environnement. L’environnement, la stimulation et la nutrition interagissent avec les prédispositions génétiques et « s’imprègnent » en nous. Le cerveau et le système biologique en développement modèlent et influencent l’apprentissage, le comportement et la santé physique et mentale pour la vie.
Toutes les sociétés comportent des citoyens plus ou moins aisés. Si nous prenons un large groupe d’individus, le statut socioéconomique est établi en fonction de la combinaison de la richesse matérielle et des caractéristiques non économiques, comme la position sociale et l’éducation. Il est inévitablement lié à un modèle de gradient. Au fur et à mesure que les circonstances socioéconomiques s’améliorent, les mesures visant à parfaire l’apprentissage, le comportement et la santé s’améliorent également. À l’inverse, lorsque les circonstances socioéconomiques se dégradent, ces mêmes résultats se dégradent également. Lorsque les gradients sont plus élevés, l’écart entre les membres plus ou moins aisés d’une société est plus grand.
Les gradients propres à la manière dont les enfants réussissent en moyenne commencent tôt et continuent d’évoluer. Le statut socioéconomique de la petite enfance est lié à l’apprentissage, au comportement et à la santé en début de vie et plus tard.42 Les interactions entre les gènes et l’environnement et le développement cérébral et biologique en début de vie établissent des trajectoires permanentes. Des circonstances ultérieures influent sur la manière dont les événements surviennent, mais les trajectoires formées en début de vie font désormais partie de notre biologie et continuent d’évoluer. Les modèles de gradients socioéconomiques propres au développement en début de vie chez les enfants sont liés à plusieurs aspects du développement du cerveau, particulièrement aux régions du cerveau étroitement liées aux voies du système limbique et du cortex préfrontal.43
Les gradients socioéconomiques se distinguent clairement dans les schémas linguistiques. L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) comprend une mesure propre aux aptitudes de vocabulaire des enfants de quatre et de cinq ans qui constituent un aspect du langage. Les tableaux 2.9 et 2.10 indiquent la diversité des aptitudes de vocabulaire des enfants par revenu familial, lequel est organisé selon le seuil de faible revenu (SFR). Les résultats représentent un gradient : les enfants pauvres (de familles au revenu inférieur au SFR canadien déterminé par Statistique Canada) sont plus susceptibles d’éprouver des difficultés et ont moins de chance d’être avancés que les enfants provenant de familles dont le revenu est plus élevé. Dans l’ensemble, les enfants des familles à revenu moyen réussissent mieux que les enfants des familles à revenu moindre, mais pas autant que les enfants des familles plus aisées.
Tableaux 2.9 et 2.10
Les résultats propres à l’apprentissage, au comportement et à la santé sont interreliés. Des taux de littératie faibles sont liés à un plus grand nombre de problèmes de santé. Les enfants dont la naissance et la petite enfance se déroulent bien réussissent mieux à l’école. Des études démographiques révèlent qu’une répartition des ressources plus équitable et qu’un environnement social de plus grande qualité améliorent en général la santé et le bien-être de la population.44 Réduire l’inégalité limite également l’écart en matière d’apprentissage, de comportement et de santé entre les individus plus ou moins aisés. Une plus grande égalité accroît le bien-être de toute la population et constitue la clé en matière de normes nationales liées à la réalisation. Si, par exemple, un pays désire que le niveau d’instruction des enfants d’âge scolaire soit meilleur, il doit corriger l’inégalité qui entraîne un gradient social plus élevé en ce qui a trait au niveau d’instruction.
Les modèles de gradients représentent des tendances propres à la population. Une minorité d’individus provenant de toutes les catégories du spectre socioéconomique se démarque. Les individus, les régions ou les pays aisés peuvent ne pas réussir aussi bien que prévu, et ceux vivant dans des circonstances désavantagées peuvent mieux réussir que prévu. Le statut socioéconomique influence mais ne détermine pas les résultats. Parfois, les chercheurs peuvent apprendre beaucoup en étudiant les aberrations.
Prenons Cuba, par exemple. Cuba réussit toujours mieux que les autres pays d’Amérique du Sud, même s’il est plus pauvre. Des évaluations internationales révèlent que Cuba détient les taux de mortalité avant l’âge de un an et avant l’âge de cinq ans les plus faibles ainsi que la plus grande espérance de vie parmi tous les pays d’Amérique du Sud.45 Les taux de mortalité avant l’âge de un an de Cuba sont meilleurs que ceux des États-Unis et du Canada. Les résultats aux épreuves linguistiques des élèves cubains de troisième année en 1998 et 2005 étaient meilleurs que ceux des autres pays latino-américains qui participaient à l’étude de l’UNESCO.46
Bien que le revenu individuel des Cubains soit faible, leur niveau d’instruction est meilleur, et leur gouvernement alloue d’importantes ressources pour assurer la santé, le bien-être et les possibilités de perfectionnement de la population. Le programme polyclinique pour les femmes enceintes et les mères de jeunes enfants est offert dans tous les quartiers afin d’appuyer le développement sain in utero et pendant l’enfance.47 Le niveau d’instruction des parents influe également sur le développement des enfants en début de vie.48
Tableaux 2.11 et 2.12
Au Canada, l’Enquête sur la littératie et les compétences des adultes (ELCA) que Statistique Canada a menée en collaboration avec l’OCDE en 2003 confirme les conclusions concernant les gradients socioéconomiques et l’apprentissage et la santé mentionnés dans Étude sur la petite enfance et Early Years Study 2.51 Dans l’ensemble, les résultats liés à la littératie entre 1994 et 2003 avaient peu changé. Au total, 42 % des adultes canadiens éprouveraient des problèmes de littératie. Les modèles existants de compétence en littératie continuent de prévaloir avec de meilleurs résultats parmi les jeunes et les individus éduqués. De plus, les parents dont le niveau d’instruction était plus élevé, ce qui déterminait le statut socioéconomique, réussissaient mieux.
L’ELCA a établi le lien entre la santé et la littératie qui s’explique par le développement cérébral et biologique à la petite enfance.52 Dans la plupart des pays, les personnes âgées de 16 à 65 ans en mauvaise santé ont obtenu de moins bons résultats de littératie que les individus en meilleure santé. Les gradients sont plus forts au Canada et aux États-Unis, où environ de 9 % et 19 %, respectivement, de l’écart entre le pire groupe et le meilleur groupe en littératie peut être attribué aux différences de niveau d’éducation des parents.
Les compétences de littératie et de numératie sont primordiales à une pleine participation à une société démocratique et multiculturelle au XXIe siècle. Comment les citoyens peuvent-ils participer à la prise de décisions en matière de changement climatique et de l’avenir de l’espèce humaine sans avoir les aptitudes nécessaires pour comprendre la complexité du problème? Le faible taux de participation décourageant aux élections — une responsabilité et un droit fondamental dans une société démocratique — est une autre conséquence d’un faible taux de littératie. Le tableau 2.13 démontre les taux de littératie de l’index d’engagement civique mentionnés dans l’ELCA. Les tendances suggèrent que plus les taux de littératie sont élevés, plus un répondant est susceptible de prendre part à divers types d’activités civiques.
Tableau 2.13
Prochain: 8. Adversité précoce et âge adulte
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