Bien qu’il soit encourageant de voir que les programmes d’éducation financés au public fournissent davantage d’occasions en EPE aux jeunes enfants, le fossé entre les programmes d’éducation et les services de garde persiste. Alors que les écoles accueillent plus d’enfants en maternelle et en prématernelle, les services de garde doivent couvrir le début et la fin de la journée scolaire ainsi que les vacances. Voilà un piètre modèle qui laisse de trop nombreuses familles sur des listes d’attente pour une place en service de garde, qui déstabilise les fournisseurs de services et qui crée des quarts de travail fractionnés, donc des emplois précaires pour les éducateurs de la petite enfance. Il existe de très rares exemples où on a regroupé les programmes scolaires et la garde d’enfants. Ces mesures ont permis à plus de mères de travailler, de créer des emplois à temps plein pour les éducateurs et de réduire les transitions vécues par les enfants. Des prestations de services consolidées engendrent également une meilleure efficacité administrative, créant des économies qui peuvent être transférées aux parents en diminuant le tarif des services.Mais l’organisation des services n’est pas l’unique problème. Il reste de grands écarts de financement entre l’enseignement public et la prestation des services de garde d’enfants. En moyenne, le financement par enfant pour un programme préscolaire est le double de la dépense associée à une place en garderie.
Dépenses d’exploitation par place en services de garde et par enfant dans un programme scolaire
Le mode de financement des services de garde fait lui aussi une différence. Les provinces et territoires offrent tous une certaine forme de soutien direct a l’exploitation de programmes de garde d’enfants. Le financement direct soulage la pression exercée sur les tarifs exigés aux parents et confère une certaine stabilité aux programmes que la contribution parentale à elle seule ne peut fournir. Les subventions contrebalançant les frais déboursés par les parents sont lourdes d’un point de vue administratif pour les parents et les gestionnaires de subventions. Elles sont rarement proportionnelles aux tarifs des services et ne tiennent pas compte de la dignité des familles. Lorsque les subventions ne couvrent pas l’intégralité des coûts inhérents aux programmes agréés, les familles peinent souvent à assumer la différence, ce qui les oblige à opter pour d’autres solutions non réglementées.
Financement des programmes vs dépense des subventions pour les frais dans les services de garde agréés
Les dépenses publiques dépendent également de la rémunération du personnel. Pour la majorité des provinces et territoires, les salaires sont une priorité. Pour certains, les suppléments salariaux constituent l’unique investissement majeur en EPE. En Ontario, les salaires du personnel des services de garde sont majorés de à 2 $/heure ou 4 160 $/an pour un poste à temps plein rémunéré moins de 26,68 $/heure. Terre-Neuve-et-Labrador octroie une contribution maximale de 12 500 $/an, selon le niveau de qualification de l’éducateur. Les Territoires du Nord-Ouest, Territoire du Yukon et le Nouveau-Brunswick offrent des suppléments analogues. L’Alberta bonifie les salaires pour les fournisseurs de services de garde réglementés qui respectent les normes de qualité. Le Manitoba a établi un salaire minimum, et le Québec et l’Îledu-Prince-Édouard ont des échelles salariales couvrant toute la province. Des provinces et territoires ont également instauré des mesures de soutien à la main-d’oeuvre en éducation préscolaire, notamment des bourses de formation, des primes d’embauche et des bonus pour continuité d’emploi.
Malgré ces efforts, l’écart salarial entre les enseignants de maternelle et les éducateurs de services de garde réglementés est plus grand que ce que peuvent justifier les différences de formation. Le Rapport EPE établit le point de référence relatif au salaire des éducateurs en milieu préscolaire, qui devrait représenter deux tiers de celui des enseignants en maternelle. Seule Terre-Neuve-et-Labrador respecte ce point de référence du Rapport 2017.
Salaires des éducateurs de la petite enfance en pourcentage des salaires des enseignants
Mis à part quelques exceptions, réussir à recruter et garder du personnel qualifié en service de garde réglementé reste un défi. Dans aucun territoire ou province on n’exige que tout le personnel d’un établissement de garde d’enfants possède un diplôme postsecondaire, mais tous, à l’exception du Nunavut, exigent une proportion minimale de personnel qualifié. Certaines provinces ont adopté des exigences de formation de base, comprises entre 40 et 120 heures de cours dédiés à l’éducation préscolaire, tandis que d’autres ne possèdent aucune politique régissant la formation préalable à la prestation de ce type de services. Bien que les ratios enfants/employé soient uniformes pour l’ensemble du pays, le nombre requis d’éducateurs qualifiés varie fortement.
Ratio du personnel qualifié/non qualifié dans les groups du préscolaire dans les services de garde réglementés
Les salaires constituent un indice de l’état de la main-d’oeuvre, dont la stabilité a été associée aux éléments suivants :
Ces facteurs indiquent qu’une approche politique plus englobante est nécessaire pour régler la stabilité et la pénurie de maind’oeuvre.
Accessibilité, qualité, et prix abordable: les politiques en EPE doivent tenir compte de ces trois points. Tandis que les conditions de financement fédéral exigent des provinces et territoires qu’ils augmentent le nombre de places en garderie, les études économiques indiquent que les nouvelles places ne seront pas toutes pourvues, car les parents ne peuvent assumer les frais qui y sont associés.4 On ignore qui comblera les postes associés aux nouvelles places. Le taux de personnel qualifié dans les programmes réglementés est déjà à son minimum. Dans le secteur de la garde d’enfants, les pratiques de recrutement faisant appel aux exemptions de directeur (c’est-à-dire pourvoir des postes exigeant des qualifications dans le domaine de l’éducation préscolaire par du personnel non qualifié) nuit à la qualité, démoralisant davantage les éducateurs qualifiés. Dans les services de garde à but non lucratif, on hésite à prendre de l’expansion sans éducateur formé; les prestataires de services commerciaux doivent ainsi combler cette lacune. C’est pourquoi le Rapport EPE commence, avec cette édition, à faire le suivi du nombre de services de garde à but lucratif par rapport au nombre de services à but non lucratif.
Les services de garde à but non lucratif par rapport à ceux à but lucratif
Le Rapport EPE 2017 est un « instantané » de la situation de l’EPE à travers le Canada. Les améliorations continues se reflètent par de nouveaux résultats et les classements entre provinces ou territoires. De prime abord, il peut être surprenant que le Québec, un modèle pour plusieurs points de référence dans le Rapport, ait perdu sa première place. La politique familiale du Québec a 20 ans. Une commission en charge d’évaluer son état dresse le portrait d’un service qui a transformé et modernisé la société québécoise, mais qui est aujourd’hui fatigué. Il faut voir à ses infrastructures et sa main-d’oeuvre. La commission a émis une série de recommandations visant à améliorer les contributions de la garde d’enfants afin de niveler les chances. Un point clé est de remplacer cette idée voulant que la garde d’enfants soit un service permettant aux parents de travailler par le fait que c’est un système formellement relié à l’enseignement public et « couvert par les mêmes principes généraux d’accès universel et gratuit ».5Le Canada est bien placé pour relever ce défi. Nous pouvons améliorer l’égalité des chances en nous appuyant sur l’enseignement public pour offrir à chaque enfant le meilleur départ qu’il puisse avoir. Il est tout à fait logique de se baser sur l’éducation pour servir les jeunes enfants et leur famille. Parmi ses homologues anglo-américains, le Canada présente le plus haut taux d’inscription dans le système public d’éducation. Les parents ont raison d’avoir confiance : nos écoles ont su préparer les enfants nés ici et à l’étranger à participer au modelage de nos institutions démocratiques. Les écoles répondent à leur communauté de la naissance à la fin de vie, encourageant l’enseignement public, le pluralisme et l’épanouissement de la démocratie.
Rapport sur l’éducation à la petite enfance 2017
Suite : (Remerciements)
4 City of Toronto Licensed Child Care Demand and Affordability Study, September 2016.5 Rapport de la Commission sur l’éducation à la petite enfance, février 2017.
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