Deux décennies après la dissolution de l’entente fédérale-provinciale sur les garderies en temps de guerre, conçue pour encourager les provinces à offrir des soins aux enfants dont les mères travaillaient dans les industries dites essentielles pendant la Seconde Guerre mondiale, Ottawa se penche encore sur l’aide à l’enfance par le biais du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC). Le RAPC, établi en 1966, a permis au gouvernement fédéral d’offrir un financement équivalent à celui des provinces et territoires en matière de programmes de prévention et d’atténuation de la pauvreté. À ce titre, des fonds fédéraux pouvaient être utilisés pour développer et financer des services de garde pour les familles à faible revenu. Le RAPC a façonné les politiques provinciales relatives aux services de garde de manière à la fois négative et positive. En incluant les services de garde aux autres services sociaux, il s’est incrusté comme un programme d’« aide sociale », une association contre laquelle il lutte encore aujourd’hui. Mais le RAPC a également été bénéfique. Il a dissuadé le développement de services de garde commerciaux, car son utilisation était conditionnelle à une administration sans but lucratif. Parce qu’il prévoyait une certaine responsabilisation, les provinces ont dû développer des normes pour les services de garde afin de recevoir du financement fédéral. En 1996, le gouvernement fédéral a cessé d’offrir un financement équivalent à celui des provinces en matière de RAPC, et les conditions qui s’y rapportaient ont été abolies. Ces fonds ont été remplacés par une subvention globale pour chaque province. La seule obligation qui demeure est l’interdiction d’exiger une période de résidence dans la province pour être admissible au programme.
À la suite de la dissolution du RAPC, il a fallu at-tendre l’année 2000 et la mise en place de l’Initiative de développement de la petite enfance (IDPE) pour que le gouvernement fédéral participe à nouveau aux programmes de développement de la petite enfance destinés à la population générale. En vertu de cette entente, 500 millions de dollars étaient versés annuellement pour des programmes visant à promouvoir la santé des enfants et des mères, à améliorer le soutien offert aux parents et aux communautés et à renforcer l’apprentissage et les soins en début de vie. L’entente était axée sur le préscolaire et misait sur une vision globale de la petite enfance, en la considérant comme un processus qui commence in utero et se poursuit jusqu’à l’école. Toutefois, la plupart des provinces ont concentré leurs efforts sur les informations et les ressources pour les parents. Une faible portion du financement était allouée aux programmes de développement de la petite enfance.
Afin de résoudre le problème de l’IDPE, le Cadre multilatéral pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants (CMAGJE) de 2003 ciblait exclusivement les programmes pour les enfants d’âge préscolaire. Les provinces et les territoires devaient respecter des principes généraux pour pouvoir dépenser les fonds et avaient convenu d’améliorer la disponibilité et l’accessibilité, la qualité, l’inclusion et le choix des parents. Le financement ne ciblait pas les familles à faible revenu et le concept d’imputabilité a été introduit. L’IDPE et le CMAGJE comportaient tous deux des exigences spécifiques à chaque gouvernement afin que les progrès dans la prestation et l’amélioration des programmes et des services d’éducation et de soins aux jeunes enfants soient rapportés par le biais de rapports annuels aux Canadiens.
En octobre 2004, le gouvernement fédéral a lancé Fondations, un programme visant à mettre sur pied un système national d’éducation et de garde des jeunes enfants. Le programme était communément appelé QUAD, une abréviation des principes sur lesquels il reposait : la qualité, l’inclusion universelle, l’accessibilité et le développement. Le budget fédéral de 2005 réservait cinq milliards de dollars répartis sur cinq ans à Fondations. Des accords bilatéraux décrivant comment atteindre les objectifs QUAD ont été conclus avec les neuf provinces. Le protocole du Québec reconnaît qu’il était rémunéré pour les programmes déjà en place et qu’il n’incluait pas d’autres engagements. Les accords comprenaient une disposition permettant aux deux parties de se retirer après en avoir avisé l’autre un an à l’avance. En 2006, le gouvernement conservateur nouvellement élu a émis un avis indiquant que le financement cesserait en 2007.
Le CMAGJE et QUAD coïncidaient tous deux avec la publication de l’évaluation des services de garde et de développement des jeunes enfants du Canada effectuée par l’OCDE. Ensemble, ces programmes ont déclenché un débat public qui a aidé à changer la perception des services de garde qu’ont les décideurs politiques. Ces services n’étaient plus considérés principalement comme des services de soutien aux parents ayant de faibles revenus pour leur permettre d’accéder au marché du travail. L’inclusion de l’apprentissage dans le nom des ententes démontrait une compréhension de la nécessité de mettre en place des environnements qui appuient le développement précoce des enfants. L’exigence selon laquelle les provinces et territoires devaient développer des plans promouvant l’accessibilité et la qualité des programmes pour pouvoir bénéficier du financement a aussi ouvert la voie à un changement. Jusque-là, la plupart des pro-vinces avaient limité leur implication à la délivrance de permis pour les programmes et à l’évaluation de l’admissibilité à des subventions parentales. Ces programmes ont donc créé une occasion pour l’État de participer à la planification communautaire, d’appuyer la formation des éducateurs, d’établir un cadre de responsabilisation et d’influencer les programmes d’enseignement.
En remplacement de QUAD, le nouveau gouvernement a mis en place la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) et s’est également engagé à investir annuellement 250 millions de dollars pour créer des places en garderie. L’Initiative sur les places en garderie (IPG) a été conçue pour offrir des mesures fiscales incitant les employeurs à créer des garderies en milieu de travail. L’initiative considérait une fois de plus les services de garde particuliers comme des programmes s’adressant principalement aux parents qui travaillent. En contournant les gouvernements provinciaux et territoriaux, elle nuisait à leur nouveau rôle en matière d’élaboration de services à la petite enfance. Toutefois, à la suite d’un rapport soulignant les lacunes du plan que le comité nommé par le gouvernement avait soumis,2 les fonds ont été transférés aux gouvernements provinciaux et territoriaux.
Depuis, le financement pour toutes les initiatives mentionnées ci-dessus fait partie du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, un transfert global aux provinces et aux territoires.a, 3 Considérant l’ensemble des dépenses relatives à l’éducation et à la garde des jeunes enfants, ce financement représente une ressource modique mais tout de même significative pour les gouvernements provinciaux et territoriaux.
a Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux représentait environ 9,59 milliards en 2011.
Prochain: 2. Financement fédéral direct pour les programmes d’éducation et de garde des jeunes enfants
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