Les débats publics concernant la validité des programmes de développement de la petite enfance portent souvent sur les « choix que font les pa-rents ». Les opposants considèrent que le fait qu’un si grand nombre de jeunes enfants ne participent pas régulièrement aux programmes est un signe que les parents ne veulent pas ou n’ont pas besoin de programmes organisés pour leurs jeunes enfants. Toutefois, certains obstacles peuvent déguiser les préférences des familles. Les programmes sont-ils offerts dans des endroits accessibles? Les heures d’ouverture concordent-elles avec les horaires de travail et de la famille? Sont-ils abordables? Tiennent-ils compte de la langue, de la culture et de la routine de la communauté?
De plus, ce que les familles connaissent du déve-loppement en début de vie et des avantages qu’il procure à leurs enfants peut influer sur la participation des enfants à des programmes ou non. Une mauvaise santé et la pauvreté, avec leurs demandes économiques et sociales connexes, peuvent également empêcher les parents d’envisager toutes leurs options.
Il existe d’autres façons d’évaluer la demande. Lorsque les programmes de développement de la petite enfance qui sont offerts sont abordables et de qualité raisonnable, ils sont mis à profit. Tous les Canadiens de cinq ans peuvent fréquenter la maternelle. Même dans les provinces et les territoires où la maternelle n’est pas obligatoire, plus de 99 % des enfants y sont inscrits.43 Depuis deux décennies, les Ontariens de quatre ans peuvent fréquenter la maternelle, et plus de 80 % des enfants le font. Au Québec, où 60 % des enfants âgés de 1 à 4 ans ont une place en service de garde subventionné, 40 % des familles qui n’en ont pas en veulent une.44
Tableau 5.8
Bien que les programmes de développement de la petite enfance comportent souvent des frais élevés, la demande continue de surpasser l’offre. De plus en plus de provinces et de régions locales acceptent les inscriptions en ligne afin d’aider les parents à trouver des places en service de garde. Les places sont particulièrement rares dans les provinces des Prairies. Il y a moins d’une place en service de garde pour six enfants au Manitoba. Pour les jeunes enfants et les enfants d’âge scolaire et pour les enfants des communautés rurales et nordiques, la différence est encore plus grande.45 Ces familles peuvent souvent attendre jusqu’à deux ans avant d’obtenir pour leur poupon une place, tant convoitée, en service de garde. Le registre des services de garde de Toronto s’adresse uniquement aux enfants qui ont été préapprouvés pour des places de garde subventionnées. Il excède régulièrement 20 000 enfants ou 10 % de la population préscolaire de la ville.
Le revenu familial influe grandement sur le taux de participation des enfants à des activités ayant lieu à l’extérieur de la maison avec d’autres enfants. Plus de 65 % des enfants de moins de cinq ans du quartile le plus pauvre ne prennent pas part à de telles activités par rapport à uniquement 30 % des enfants provenant des familles les plus aisées. À l’Île-du-Prince-Édouard, où une restructuration récente des programmes de développement de la petite enfance a augmenté le taux de participation, 50 % des familles qui ne participent plus à Meilleur départ, le programme provincial de visite à domicile pour les familles vulnérables, n’ont pas accès à un centre de la petite enfance. Même au Québec, la province qui répond le plus aux besoins des parents, le tiers des enfants provenant de familles ayant un faible revenu de travail ne fréquentent pas un service de garde, par rapport à 25 % des enfants provenant des familles les plus aisées.
Tableau 5.9
Dans le cadre des plans pour les premières années, les provinces ont offert du financement afin d’accroître le nombre de places réglementées de garde d’enfants et ont adapté les exigences en matière de subvention afin de mieux refléter les coûts actuels des services de garde. Cependant, les services de garde demeurent du secteur privé. Qu’ils soient exploités par des organismes à but non lucratif ou par des propriétaires privés, ils font partie d’un marché de services. À l’exception du Québec, du Manitoba et de l’Île-du-Prince-Édouard, qui gèrent activement les services pour les enfants, la plupart des gouvernements limitent leur rôle à la régularisation des normes de santé et de sécurité et à l’utilisation du financement pour encourager l’expansion des services. Les autorités peuvent collaborer à la planification ou appuyer d’autres infrastructures, mais les décisions concernant l’emplacement, le coût, le contenu et la clientèle reviennent aux exploitants.
Certaines provinces et certains territoires ont choisi de faciliter l’accès aux programmes de déve-loppement de la petite enfance par le biais de leurs systèmes d’éducation publics. Le nombre d’enfants participant aux programmes de développement de la petite enfance gérés par les commissions scolaires a connu une hausse de 25 % au cours de la dernière décennie.46 Six des treize provinces et territoires offrent désormais la maternelle pendant des journées complètes pour les enfants de cinq ans. L’Ontario permet aux enfants de quatre ans de participer à des programmes pendant des journées complètes, et beaucoup de provinces et de territoires permettent aux enfants âgés de trois ans et de quatre ans de faire de même dans des circonstances à risque. De plus, les ministères de l’Éducation sont devenus plus proactifs quant à la préparation des enfants d’âge préscolaire pour la maternelle. Les conseils scolaires de l’Ontario et de la Colombie-Britannique exploitent directement les haltes-garderies qui offrent les mêmes programmes pendant l’année scolaire grâce à des éducateurs à la petite enfance. D’autres provinces planifient des séances d’orientation des enfants et des parents pour la maternelle. Certaines de ces séances d’orientation, comme Kinderstart de Terre-Neuve, sont très intensives. Le Nouveau-Brunswick offre une transition avec le coordonnateur de l’école dans chaque arrondissement scolaire.
Bien que les ministères de l’Éducation soient plus à l’aise avec les jeunes enfants, à l’exception du Québec, ils ne sont pas enclins à prolonger les heures d’ouverture régulières des écoles. Lorsqu’ils sont pris en considération, les besoins des familles d’aujourd’hui sont comblés lorsqu’un service de garde est offert dans les écoles. Les provinces peuvent établir des lignes directrices pour éviter les conflits, mais le statut des services de garde en milieu scolaire diffère rarement de celui d’un locataire à court terme, et l’apprentissage des enfants est encore perturbé par les allers-retours entre le service de garde et la maternelle.
Tableau 5.10
Pour le secteur des services de garde, les écoles exploitant des programmes de développement de la petite enfance peuvent être déstabilisées. Les écoles offrent généralement des programmes pour les enfants âgés de 4 et de 5 ans, soit le groupe d’âge qui débourse les frais de soutien des services de garde. Le Québec et l’Île-du-Prince-Édouard ont géré l’introduction de la maternelle pendant des journées complètes à l’aide d’un plan de transition complet qui réorientait les exploitants des services de garde pour des enfants plus jeunes au moment même où de nouvelles mesures de qualité étaient introduites. Les programmes de garderie d’enfants de ces pro-vinces sont maintenant plus stables et les familles peuvent choisir parmi plus d’options.
Cependant, un essai de courte durée en Ontario, où les commissions scolaires devaient prolonger les heures d’ouverture dans le cadre d’une même journée, a été abandonné à la suite de la pression exercée par les exploitants des services de garde. Ces derniers s’inquiétaient de leur viabilité continue en l’absence de leadership transitoire qui pourrait traiter de l’exode des enfants âgés de 4 et de 5 ans vers la maternelle pendant des journées complètes. Cependant, offrir des activités parascolaires aux enfants fréquentant l’école pendant des journées complètes ne constitue pas une ligne de vie économique pour les services de garde. Les services de garde de l’Ontario perdent des éducateurs à la petite enfance compétents qui préfèrent travailler dans des écoles plutôt que d’effectuer des quarts de travail fractionnés dans les services de garde. Par rapport à 2009, la fermeture de centres de la petite enfance est en hausse de 5 %, et les exploitants prédisent une baisse importante des services puisque les services de garde fermeront ou diminueront leur capacité avec la baisse d’inscriptions.47
Bien que de plus en plus de possibilités d’apprentissage s’offrent aux jeunes, la distance qui sépare l’éducation publique des services de garde demeure, et les parents doivent continuer à choisir des programmes qui leur permettent de concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale.
Prochain: 3.4 Élaboration des politiques : les provinces et les territoires - environnements d’apprentissage
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