Introduction
Le Rapport 2023
Le Rapport sur l’éducation à la petite enfance (REPE) est une publication du Atkinson Centre for Society and Child Development de l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario/Université de Toronto et d’Abilio — Centre de diffusion des savoirs sur l’enfance, anciennement nommé le Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, de l’Université Laval et l’Université de Montréal. En créant un pont entre la recherche, la pratique et les politiques publiques, le Centre Atkinson cherche à optimiser les résultats pour les jeunes enfants et leurs familles.
Le Centre compte sur ses partenaires stratégiques, qui jouent un rôle crucial dans la recherche, le développement de contenu, et la valorisation et la mobilisation des connaissances. Le Centre tient à remercier ses donateurs, présentés ci-après.
La publication de ce Rapport ne serait pas possible sans l’aide des responsables provinciaux et territoriaux, qui ont fourni des données et révisé les ébauches. De nombreuses autres personnes ont contribué à l’élaboration du REPE et nous leur exprimons notre gratitude. Tout en reconnaissant la contribution de nombreuses personnes, les auteurs acceptent l’entière responsabilité du contenu.
Emis Akbari, Kerry McCuaig et Shelly Mehta
Photo en couverture : John MacLennan
Cette édition est la 5e du Rapport sur l’éducation à la petite enfance (REPE). Publié pour la première fois en 2011, le rapport paraît aux trois ans et évalue les services à la petite enfance provinciaux/territoriaux sur la base d’une échelle de 15 points. Les résultats sont obtenus grâce aux profils détaillés de chaque province et territoire. Le REPE est structuré en 5 catégories et 21 points de référence qui représentent un ensemble commun de minima contribuant à la mise en place d’une programmation de qualité. Ce rapport montre les changements dans le domaine des services à la petite enfance de mars 2020 à mars 2023. Il permet d’évaluer l’impact de la pandémie de la COVID-19 sur la prestation des services, ainsi que sur le financement et les exigences associés aux Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.
Pour contacter les auteurs et pour accéder à la version complète du REPE, qui inclut ce sommaire, un profil de chaque province ou territoire, la méthodologie ayant structuré ce rapport, des références, graphiques et tableaux, ainsi que des informations issues des rapports antérieurs, veuillez consulter les liens ci-dessous.
Élaboration du Rapport
Le REPE a été élaboré sur la base des politiques ayant émergé de l’étude des programmes d’éducation et d’accueil des jeunes enfants (EAJE) conduite par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2004 dans 20 pays.
Dans ce rapport de 2004, l’OCDE a formulé les recommandations suivantes pour aider les pays à améliorer leurs services en EAJE :
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Surveiller la gouvernance. La responsabilité des services consacrés aux jeunes enfants est divisée sous plusieurs ministères. Un seul ministère doit les diriger et en avoir la responsabilité.
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Investir davantage, mais judicieusement. Les enfants en bas âge ont besoin de services de qualité tandis que l’économie requiert des parents actifs sur le marché du travail. L’EPE de qualité peut répondre à ces deux grandes nécessités.
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Améliorer l’accessibilité, mais sans diminuer la qualité. Les services de piètre qualité nuisent aux enfants et font perdre des ressources financières.
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Investir dans la main-d’œuvre. Les éducatrices de la petite enfance doivent se voir accorder les mêmes responsabilités et les mêmes possibilités de carrière et ressources que celles qu’ont les enseignants des écoles publiques.
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Rendre des comptes. Veiller à ce que l’évaluation et la recherche soient réalisées afin de rester à l’affût de l’évolution de la science et des besoins sociaux. Rendre les résultats accessibles au secteur de la petite enfance et au public pour permettre une amélioration continue de la qualité.
Enfin, l’OCDE a constaté qu’il n’existait pas de mécanisme de suivi commun aux 13 provinces et territoires du Canada pour garantir aux Canadiens la valeur de leur investissement. Ainsi, pour combler ce manque, les auteurs ont réalisé le REPE en 2011 dans le cadre du Point sur la petite enfance 3. Vingt et un points de référence, organisés en cinq catégories de même valeur, évaluent les structures de gouvernance, les niveaux de financement, l’accessibilité, la qualité des environnements d’apprentissage de la petite enfance et la rigueur des mécanismes de responsabilisation.
Les résultats se basent sur des profils provinciaux et territoriaux détaillés, élaborés par les auteurs et revus par des fonctionnaires, qui déterminent ensemble les points de référence attribués. Les points de référence du rapport ne sont pas des objectifs à atteindre, mais plutôt des exigences minimales. Plusieurs indicateurs importants n’ont pas pu être inclus, car les données correspondantes ne sont pas disponibles.
Terminologie
Au Canada, différents termes sont utilisés pour décrire les programmes destinés aux enfants avant qu’ils commencent leur scolarité régulière. En raison de la répartition constitutionnelle des pouvoirs, l’éducation est du ressort des provinces et territoires. Ainsi, les ententes fédérales/provinciales/territoriales utilisent le terme « apprentissage et garde des jeunes enfants ». Le rapport emploie le langage international de « l’éducation et l’accueil des jeunes enfants », ou EAJE. L’EAJE désigne les programmes de groupe destinés aux jeunes enfants, fondés sur un programme d’études précis, offerts par du personnel qualifié et conçus pour favoriser le développement et l’apprentissage des enfants. Les enfants fréquentent ces programmes de façon régulière, et ils peuvent y participer seuls ou avec leurs parents ou leurs gardiens. Cela comprend les services de garde réglementés, mais aussi les programmes offerts par l’école, comme la maternelle, la prématernelle, le préscolaire, les crèches et les centres parents-enfants, ainsi que le Programme d’aide préscolaire aux Autochtones.
« Éducatrice de la petite enfance » est la désignation professionnelle des personnes détenant des études postsecondaires en développement de la petite enfance.
Le REPE considère l’EAJE selon la perspective des droits des enfants : chaque jeune enfant, peu importe son lieu de résidence, ses aptitudes, sa langue et ses origines ou la profession de ses parents mérite d’y avoir accès.
Le moment de la préparation du REPE 2023 permettait de réaliser une évaluation de l’impact des Accords sur l’AGJE sur les services à la petite enfance au mitan de leur déroulement. Si le REPE ne couvre pas tous les domaines politiques qu’abordent ces Accords, il les traite lorsque c’est possible de le faire.
Points de référence du rapport sur l'éducation à la petite enfance pour évaluer la qualité
Accords sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants à l'échelle du Canada
En 2021, le Gouvernement du Canada s’est engagé à accorder un financement soutenu permettant d’élargir l’accès à des services de garde d’enfants plus abordables. Les accords signés avec les provinces et territoires placent en priorité la diminution des frais exigés aux parents à 10 $ par jour en moyenne et l’augmentation du nombre de places en garderies. L’objectif était de créer un système sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada pour favoriser la présence des femmes sur le marché du travail, encourager une croissance économique et soutenir le développement des enfants.
Les investissements au budget de 2021 totalisaient 30 milliards de dollars sur 5 ans, soit jusqu’en 2026, et dont 1,4 milliard était réservé aux services aux Autochtones. Par la suite, ce sont 9,2 milliards de dollars qui circuleront annuellement et parmi lesquels 385 M$ iront aux programmes autochtones. Le financement est établi sur la base du nombre d’enfants âgés de moins de 12 ans. À l’exception de l’Entente asymétrique du Québec, le financement s’accorde aux plans d’action mis sur pied par chaque province ou territoire. Ces plans d’action comptent un calendrier et des activités qui reflètent les principes qui sont d’améliorer l’accessibilité, la qualité, l’inclusivité, l’abordabilité et la responsabilité. La seconde ronde de plans d’action est en cours d’élaboration (2024).
Loi relative à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants au Canada
Une mesure législative prévoyant l’engagement du gouvernement fédéral de maintenir un financement à long terme du système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle nationale a été adoptée à l’unanimité le 29 février 2024 à la Chambre des communes. Cette mesure enchâsse ledit système dans la loi, ce qui compliquerait la tâche de futurs gouvernements qui souhaiteraient le démanteler. Elle établit l’engagement du gouvernement fédéral d’accorder un financement à long terme aux provinces, territoires, et aux peuples autochtones. La loi inclut de créer un Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants pour conseiller le ministère fédéral responsable de ce volet
Les Accords avec les Provinces et Territoires à mi-parcours
Le programme national sur la garde d’enfants, attendu depuis longtemps, a été accueilli avec enthousiasme. Bien sûr, certaines questions demeurent. Sacrifiera-t-on la qualité au profit des tarifs plus bas? Les familles vulnérables seront-elles exclues de la mêlée devant un nombre limité de places à faible coût? Les services commerciaux trouveront-ils de nouvelles façons de profiter du financement public? Les Accords seraient-ils un véritable programme ou bien un ajout à ce qui constitue, de l’avis général, un ensemble de services inéquitables?
Il n’y a jamais eu de meilleur — ou de pire— moment pour se lancer dans un nouveau programme social. La pandémie mondiale de la COVID-19 et la fermeture des écoles et garderies qui s’en est suivie ont eu un impact direct sur l’emploi des femmes. Les besoins en garde d’enfants sont alors apparus cruellement évidents, alors que le nombre de femmes de 15 ans et plus ayant un emploi rémunéré a baissé à 56,7 pour cent, un niveau jamais atteint depuis 2002. Les économistes ont d’ailleurs nommé le phénomène « récession au féminin ».
En tant qu’industrie, la garde d’enfants a subi un impact particulièrement important en raison de la pandémie. Le taux d’emploi a baissé de 21 pour cent, comparativement à 3 pour cent dans d’autres secteurs, et il n’a pas encore complètement remonté. La pénurie de personnel des services de garde d’enfants a freiné les efforts pour améliorer l’accessibilité au milieu. Une enquête de Statistique Canada de décembre 2023 a montré que les services de garde sont désormais plus abordables pour les parents, mais qu’il est plus difficile pour eux d’y avoir accès. Plus de 60 pour cent des parents souhaitant trouver une garderie ont affirmé avoir de la difficulté à y arriver, comparativement à 53 pour cent en 2019. Par conséquent, environ un tiers des répondants ont indiqué devoir modifier leur horaire de travail ou d’études, diminuer le nombre d’heures qu’ils travaillent, ou retarder leur retour au travail.
Les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada ont connu du succès dès leur lancement en réduisant de 50 pour cent les frais d’inscription exigés aux parents pour les enfants de moins de 6 ans. Cette mesure, accueillie très favorablement, a permis de soulager les familles, confrontées à des hausses inflationnistes du coût de la vie. À l’exception du Québec et du Yukon, où les parents payaient déjà moins de 10 $ par jour, les provinces ont toutes atteint le seuil. Le Nunavut, la Saskatchewan, le Manitoba, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador ont alors pris l’initiative d’offrir les services de garderie à 10 $ par jour, bien avant la date butoir de 2026. Les familles des Territoires du Nord-Ouest ont suivi le 1er avril 2024.
Mesures d'accessibilité financière au Canada
L'expansion stagne
Le plan des Accords est d’ajouter 250 000 places en garderies d’ici 2026. À mi-parcours (au 31 mars 2023), ce sont 97 859 places qui ont été créées —dont 39 253 pour des enfants de moins de 6 ans. Plusieurs facteurs freinent l’ajout d’autres places.
Ouvrir de nouveaux centres et les garder en activité est un défi. Dans la plupart des provinces et territoires, le nombre de centres qui ouvrent et qui ferment est pratiquement le même chaque année. La pandémie, qui a fait augmenter les coûts associés aux mesures sanitaires parallèlement à une diminution des inscriptions, a entraîné l’échec de plusieurs programmes.
Le fait de dépendre d’organismes bénévoles pour assurer un service essentiel contribue aussi à freiner l’expansion. Nous ne demandons pas aux associations parents/écoles de bâtir des écoles, mais les conseils de parents sont tenus de superviser tous les aspects de la prestation de services de la garde d’enfants.
Tous les gouvernements ne sont pas forcément à l’aise avec la préférence des Accords pour l’expansion par le biais de fournisseurs publics ou à but non lucratif. Le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard, l’Ontario et l’Alberta ont ajouté une dérogation pour autoriser les fournisseurs privés dans leurs Accords.
De façon générale, les gouvernements n’accordent pas suffisamment de fonds pour couvrir les coûts réels des constructions neuves et des rénovations. Ceci représente un avantage pour les entrepreneurs commerciaux, qui peuvent présenter leur mise de fonds publique à une banque et obtenir le financement nécessaire à l’expansion. Les organismes sans but lucratif et les fournisseurs publics n’ont pas cette possibilité. Par exemple, le conseil scolaire Toronto District School Board n’a pas pu livrer les 50 centres de garde d’enfants qui étaient prévus dans ses écoles en raison du manque de financement du provincial et des délais dans les approbations.
Comme le secteur à but non lucratif n’est pas en mesure de répondre à la frustration des parents face à l’inaccessibilité des services de garde d’enfants, le champ est libre pour des services de garde « à la chaîne ». Les chaînes internationales rachètent les petits exploitants à but lucratif, et les capitaux d’investissement s’intéressent de plus en plus aux acquisitions.
Le secteur privé est en croissance depuis 2020, entre autres avec les centres désignés. Ces programmes publics doivent répondre à des normes élevées. Si les profits provenant de leurs activités sont moindres, les actifs achetés avec les fonds publics demeurent au privé.
Pourcentage de changement pour les installations/places à but lucratif par province/territoire, 2020 et 2023
Si les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada ont bonifié de 4,5 milliards de dollars les dépenses publiques en matière de garde d’enfants depuis 2020, la plupart des gouvernements n’ont pas profité de cette occasion pour mettre en place leurs systèmes. Ils continuent plutôt d’utiliser les mêmes processus pour annoncer du financement en espérant que les organismes communautaires prendront le flambeau et rempliront le mandat. Les provinces et territoires sont peu enclins à assumer la responsabilité directe de veiller à ce que les objectifs des Accords soient atteints. Mais sans le leadership actif du gouvernement, le plan national de la garde d’enfants du Canada va échouer.
Québec est la seule province dont le gouvernement affirme qu’il offrira une place en garderie à toute famille qui en fera la demande. La Nouvelle-Écosse s’est engagée dans les Accords avec un plan audacieux visant à fournir une infrastructure complète pour le développement et la prestation de services, mais en raison de certains désaccords, ce plan a presque immédiatement été revu à la baisse. Terre-Neuve-et-Labrador a créé un poste ayant pour but de prêter assistance aux responsables qui souhaitent développer leur programme ou en créer de nouveaux.
Le principal obstacle à l’expansion est le manque de main-d’œuvre. Les éducatrices de la petite enfance diplômées ne choisissent pas la garde d’enfants comme plan de carrière, et le personnel à l’emploi dans le milieu n’y demeure pas. Les défis de pourvoir les postes ont un impact direct sur la disponibilité, la stabilité et la qualité des programmes. Sans éducatrices, les classes nouvellement construites demeurent vides. Les postes vacants en raison de la pénurie d’éducatrices ont un impact sur la viabilité financière des centres, et les programmes ont cours sans respecter l’exigence législative sur la main-d’œuvre qualifiée.
Le gouvernement fédéral a accordé des subventions ponctuelles substantielles pour freiner le départ de la main-d’œuvre. Aussi, certaines provinces utilisent les fonds provenant des Accords pour mettre en place des solutions plus permanentes:
- Six provinces ont instauré des grilles salariales et une autre est en préparation;
- Quatre ont augmenté les suppléments au salaire des éducatrices;
- Le Manitoba subventionne les personnes responsables pour atteindre ses lignes directrices en matière de salaire;
- L’Ontario accorde des fonds pour un plancher salarial;
- L’Île-du-Prince-Édouard, le Québec et le Manitoba ont des régimes publics de retraite, et celui de la Nouvelle-Écosse est en préparation;
- L’Île-du-Prince-Édouard et le Québec ont des régimes de prestations publics, et la Nouvelle-Écosse en aura également un prochainement.
Néanmoins, la mise en œuvre n’est pas la même partout. Certains choisissent d’appliquer leurs interventions uniquement aux éducatrices de la petite enfance alors que d’autres le font pour tous les membres du personnel des garderies agréées. Le tableau qui suit montre l’impact qu’ont eu les politiques de compensation gouvernementales. Les chiffres montrent le salaire annuel des éducatrices qui travaillent à temps plein dans un centre et qui possèdent un certificat reconnu, généralement un diplôme de deux ans.
"Les politiciens ont reconnu l’EPE comme un rempart important à la pandémie et ils sont prêts à y investir. Les gouvernements doivent surveiller la façon dont ils investissent. Trop de programmes de la petite enfance étaient en difficulté avant la survenue de la COVID‑19, incapables de recruter du personnel formé et confrontés à des difficultés financières. Ceux qui arrivent à surmonter les fermetures des confinements seront mal équipés pour compenser le temps qu’ont perdu les enfants. Il faut protéger l’EPE des aléas du marché et qu’elle prenne sa place à titre de premier niveau d’éducation, soutenue par une solide infrastructure publique et ouverte à tous les enfants."
- Margaret Norrie McCain, Philanthrope
Politique et pourcentage du changement des salaires annuels des éducatrices de la petite enfance entre 2020 et 2023, par province/territoire
Le Canada compte 6500 étudiants éducateurs de la petite enfance chaque année, en grande majorité dans des collèges en Ontario et au Québec. Plusieurs sont des étudiants étrangers qui seront touchés par les nouvelles limites de demandes de visas. Pour atteindre les objectifs de croissance du pays, il faudra beaucoup plus de diplômés que le nombre atteint actuellement. Le Canada a besoin de 32 000 éducatrices de plus uniquement pour couvrir le nombre de nouvelles places. Ce chiffre n’inclut pas le remplacement d’un membre du personnel sur cinq qui devrait prendre sa retraite au cours de la prochaine décennie, ainsi que ceux qui quitteront le milieu pour d’autres raisons.
De plus, cette forte demande pour des éducatrices ne va pas de pair avec la création d’offres d’emploi correspondantes. Un an après l’obtention de leur diplôme, 50 pour cent des finissantes en EPE doivent jongler avec plusieurs emplois à temps partiel. En comparaison, ce chiffre s’élève à seulement 6,8 pour cent parmi les femmes d’autres domaines qui cumulent plusieurs emplois —une différence bouleversante.
En examinant le parcours des diplômés en éducation à la petite enfance après leurs études, on constate que la moitié d’entre eux entrent directement dans le système éducatif au primaire. Mais les politiques salariales du gouvernement réduisent l’écart de rémunération. Par rapport aux enseignants du primaire, qui doivent suivre une formation post-secondaire de quatre à cinq ans, les éducatrices de la petite enfance se rapprochent. Des évaluations en équité salariale qui rendent compte des écarts en éducation montrent que le niveau salarial des éducatrices correspond environ aux deux tiers de celui des enseignants au primaire.
Dans les provinces où les membres de la direction et ceux possédant un diplôme universitaire reçoivent une compensation supplémentaire, les salaires des enseignants et des éducatrices sont semblables.
L’écart des salaires entre les enseignants au primaire ayant cinq années d’expérience et les éducatrices ayant la même ancienneté tend à diminuer. Bien sûr, les taux de salaires ne sont qu’un élément parmi tout un système de compensation; les éducatrices ont encore bien du chemin à parcourir avant d’avoir les mêmes avantages que les enseignants. L’écart salarial entre ces deux professions est un indicateur de la valeur relative qu’attribuent les décideurs politiques à l’éducation à l’enfance.
Salaires des éducatrices de la petite enfance en pourcentage des salaires des enseignantes par province/territoire (2023)
Pour aider les parents à réduire la facture de la garde d’enfants, il faudra de plus grandes entrées d’argent. Pendant la dernière décennie, alors que les taux très bas de la Banque du Canada ont atteint des records, les frais aux parents ont augmenté de plus du double du taux de l’inflation. Dans le contexte actuel, le coût des loyers, de la nourriture et autres augmente, sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt —réduisant ainsi à néant l’importance des augmentations de salaire des éducatrices.
La plupart des gouvernements des provinces et territoires utilisent les fonds du fédéral pour stabiliser les frais exigés aux parents ou pour contrebalancer les coûts d’exploitation à la hausse. Le Gouvernement du Canada s’engage uniquement à garder son soutien à 9,2 milliards par an lorsque les Accords prendront fin en 2026. Ceci n’est pas suffisant pour conserver le niveau des services existants, et c’est certainement trop peu pour favoriser l’expansion. Les provinces et territoires se retrouvent à gérer la colère des parents qui ne peuvent faire entrer leur enfant en garderie, ou les plaintes quant à la qualité des services de la part de parents qui ont déjà une place. Les gouvernements des provinces et territoires pourraient bien sûr piger dans leur propre financement pour combler les manques. Très peu l’ont fait; la norme est désormais de se fier sur les fonds venant du fédéral.
Résumé des modifications apportées au rapport sur l'éducation à la petite enfance (REPE) 2023
RAPPORT SUR L'ÉDUCATION À LA PETITE ENFANCE
Gouvernance
Les structures de gouvernance réparties entre plusieurs ministères sont associées à des services d’EAJE de moindre qualité et à des coupures dans le parcours d’apprentissage des enfants lorsqu’ils passent des programmes pour la petite enfance à la maternelle et au primaire. Lors de la publication du rapport de l’OCDE sur le Canada en 2004, aucun territoire ou province ne disposait d’une structure de gouvernance intégrée. Depuis, tous sauf l’Alberta et le Québec ont regroupé leurs divisions des services de garde et leurs ministères de l’Éducation.
Ce qui se passe au sein des ministères qui supervisent à la fois les services de garde et d’éducation est également important. En raison des ajouts à la charge de travail attribuables aux Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants et de l’exclusion des programmes organisés par les écoles, comme la maternelle et la prématernelle, certains territoires ou provinces ont choisi de séparer leurs unités de supervision. Trois provinces (Nouveau-Brunswick, Québec, Saskatchewan) ont une unité commune de supervision. Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest étaient de ce groupe mais ont depuis séparé la maternelle de leurs unités de la petite enfance pour qu’elles soient supervisées uniquement par leur système du primaire. Le Québec a renforcé l’intégration des services en créant un groupe de travail permanent chargé de coordonner les activités des ministères de la Famille et de l’Éducation.
La disparité entre l’éducation et la garde d’enfants est plus marquée à l’échelle locale, où celles-ci ont des structures de prestation et d’administration distinctes. Certaines régions ont pris des mesures pour corriger la situation. Les régions des services sociaux de l’Ontario sont responsables de la planification et de l’administration des services de garde d’enfants et de soutien aux familles, et elles doivent collaborer avec les conseils scolaires et d’autres parties prenantes dans l’exercice de leurs fonctions. L’Ontario et la Colombie-Britannique financent des projets de développement de la petite enfance dans chaque district scolaire qui collabore avec les services à l’enfance pour la planification et le développement. Le Nouveau-Brunswick ferme la marche en intégrant ses administrateurs de la petite enfance aux équipes régionales de gestion des écoles.
Les plans d’action des Accords en matière de garde d’enfants ont remplacé les structures politiques intégrées en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et en Colombie-Britannique, ce qui pourrait accentuer la fragmentation.
"Les enfants n’ont qu’une chance pendant l’enfance — le stade le plus critique du développement humain durant lequel les privations sont les plus dévastatrices et ont un impact à long terme. Plus un enfant se trouve démuni matériellement à un stade précoce et pendant une longue période, plus le coût est élevé pour l’enfant lui-même et pour la société. C’est aussi à ce stade que des investissements positifs dans l’apprentissage et la garde des jeunes enfants ainsi que des mesures d’aide au revenu ont un impact plus grand sur le bien-être des enfants et sont les plus rentables. Seul un système qui considère l’éducation précoce comme un droit de l’enfant et comme un bien public peut atteindre les objectifs du plan national de la garde d’enfants du Canada. Pour tenir cette promesse, il faut un mécanisme de financement public et une gestion qui placent les enfants, les familles et les éducatrices en tête de liste."
- Neria Aylward, Directrice générale, Jimmy Pratt Foundation.
"Puisque les remboursements des frais de garde d’enfants offerts aux parents à faible revenu sont associés à l’occupation des parents, si leur situation change pour une quelconque raison (comme une perte d’emploi, un départ en congé parental ou le fait de prendre soin d’un membre de la famille tombé malade), le remboursement est annulé. La recherche a montré qu’il y a un lien entre de telles irrégularités dans la garde d’enfants et des impacts encore plus grands sur les enfants. C’est totalement injuste et inéquitable que les parents à faible revenu doivent respecter certaines exigences quant à leur occupation pour avoir droit au palier de subventions dont ils ont besoin, alors que les parents qui ont un revenu plus élevé — et qui reçoivent des subventions du public — ne se voient pas imposer de restrictions."
- Michal Perlman, Professeure, Dépt Human Development and Applied Psychology, OISE-Université de Toronto.
Évolution des dépenses pour les garderies réglementées par province/territoire de 2020 à 2023
Si le financement a bien augmenté, il demeure important de déterminer quel pourcentage des ressources par province/territoire est alloué aux services en EAJE. Le seuil à atteindre est un minimum de 3 pour cent du total des dépenses annuelles du budget par province/territoire. Dans le REPE 2020, le Québec et l’Ontario étaient les deux seules provinces à dépasser ce seuil portant sur les dépenses. Dans cette édition du rapport, Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba joignent le rang.
Ce point de référence est un objectif modeste pour les enfants de moins de 6 ans, qui représentent près de 7 pour cent de la population du Canada. Les enfants autochtones du même groupe d’âge représentent 15 pour cent de la population autochtone. Néanmoins, les écarts entre le financement attribué aux enfants autochtones et ceux non autochtones sont encore bien réels. Les fonds réservés dans les ententes avec les peuples des Premières Nations, Métis et Inuit montrent qu’un effort est fait pour corriger ces disparités.
Changements dans les dépenses en EAJE en pourcentage du budget total du territoires ou de la province
La différence entre la garde d’enfants et l’éducation est encore mise en évidence par la différence des fonds qui leur sont attribués. Les dépenses par place en garderie sont bien moindres que ce que dépensent la plupart des gouvernements pour un enfant qui fréquente l’école. La Nouvelle-Écosse, le Québec, la Colombie-Britannique et le Yukon montrent des dépenses relativement semblables dans les deux systèmes.
Dépenses par enfant dans les programmes scolaires et par place en garderie, selon la province/le territoire
Dans son rapport de 2004, l’OCDE notait que la structure tarifaire du Canada, déterminée par le marché pour les services de garde, a engendré des frais élevés pour les parents et des systèmes de subvention inefficaces aux critères d’admissibilité variables et complexes. Avec les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada, la structure de tarif unique ajoute à la complexité de la situation. Les frais exigés aux parents étant plus bas, assurément, plus de familles aux revenus modestes ont pu avoir accès aux garderies subventionnées, mais les familles qui comptaient sur les subventions pour les frais de garde se trouvent désavantagées devant ce service en grande demande et offrant peu de disponibilités. Tandis que certaines provinces ont haussé les seuils de revenus des parents pour l’obtention de subventions, ces restrictions subsistent dans une large mesure.
Puisque les provinces/territoires ne conservent pas de données démographiques sur les familles qui fréquentent les garderies, il est ardu de déterminer s’il y a eu des changements quant aux services que reçoivent les familles à faible revenu. Les budgets pour les subventions, lorsqu’il y en a, n’ont pas augmenté depuis 2020. Des analyses sur le financement montrent que les responsables décident soit de ne pas accepter les familles qui reçoivent des subventions, soit de préférer celles qui ont un revenu plus élevé et couvrent elles-mêmes une plus grande partie des frais directement aux responsables. Ces familles sont également moins susceptibles de s’opposer à des frais supplémentaires pour des fournitures ou des activités allant au-delà des soins de base.
Si les niveaux de financement sont importants, la façon dont les programmes sont financés fait aussi une grande différence. Le financement direct pour les activités d’un programme a un impact positif sur les salaires du personnel et la stabilité du programme, tandis que le financement par le biais des crédits pour frais de garde aux parents ou par des mesures fiscales a peu d’impact. Puisque les crédits aux parents reflètent rarement les coûts réels de la garde d’enfants, lorsque les subventions représentent une source principale de revenus pour une garderie, ils tendent à faire baisser les salaires du personnel.
Le point de référence des deux tiers du financement pour le fonctionnement d’un programme a été choisi parce qu’il est associé à une plus grande stabilité des services. Bien que toutes les provinces et tous les territoires aient atteint ce point de référence en 2023, il sera révisé dans le rapport de 2026 pour refléter les mécanismes de financement dans les Accords.
Le financement dans les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada vise majoritairement la réduction des frais exigés aux parents. À ce titre, huit provinces/territoires sont déjà en avance sur les objectifs avec des frais à 10 $ ou moins par jour. La diminution des frais est tout aussi simple : le financement public remplace les revenus venant des parents. Si les frais de garde sont plafonnés, les coûts liés au fonctionnement, en particulier dans un environnement inflationniste, ne le sont pas. Il faudra plus de financement pour conserver les bas tarifs, possiblement aux dépens d’améliorations de la qualité ou de l’expansion du réseau.
Les Accords visent d’abord à développer les services de garderie par l’intermédiaire de fournisseurs publics et sans but lucratif. Les dépenses pour les garderies à but lucratif ont légèrement diminué. En 2020, 43 pour cent de toutes les dépenses pour les garderies subventionnées sont allés aux responsables des installations à but lucratif. En 2023, ce chiffre était de 41,7 pour cent.
Dépenses en garde d'enfants dans des installations à but lucratif par province/territoire (2023)
"Le développement rapide des services de garderie a fait passer la quantité avant la qualité. Derrière ce constat, il y a la décision en faveur du financement public de programmes à but lucratif, au lieu du réseau public des centres de la petite enfance (CPE) déjà existant. Ce choix ne tient pas compte des 20 années de recherche au Québec qui ont montré que la qualité est plus grande dans les CPE que dans les programmes à but lucratif. Dans cette même logique de croissance à tout prix, la pénurie de main-d’œuvre a été résolue en revoyant à la baisse les qualifications du personnel et en acceptant des « remplaçants temporaires qualifiés » qui peuvent être considérés comme faisant partie du ratio de main-d’œuvre qualifiée. Des évaluations seront nécessaires pour mesurer l’impact de ces mesures."
- Isabelle Vinet, Directrice générale, Abilio —Centre de diffusion des savoirs sur l’enfance.
"Si les Accords sont un investissement merveilleux et bienvenu dans les services de garde d’enfants, l’accès à ces services est très difficile. Les listes d’attente s’allongent et les familles risquent de ne pas pouvoir profiter des résultats à long terme qu’offrent les services de garde. Nous avons besoin d’un système juste et inclusif pour favoriser l’accessibilité, surtout pour les enfants qui bénéficient réellement de la garde d’enfants à titre d’intervention précoce."
- Stefany Hanson, Directrice, Plannification des services et Élaboration de politiques, Ville de Toronto.
Participation des mères au marché du travail par province/territoire et selon l'âge du plus jeune enfant (2022)
L’apprentissage et la garde des jeunes enfants sont une part essentielle de l’infrastructure sociale. Tout comme les routes et les transports en commun contribuent à la croissance économique, l’éducation des jeunes enfants est un pilier de nos systèmes sociaux et économiques.
Investir dans la qualité pour ce qui est de l’apprentissage et de la garde des jeunes enfants agit comme un multiplicateur : cela permet de créer de l’emploi, en majorité pour des femmes; la participation des parents sur le marché de l’emploi en est facilitée, en particulier pour les mères; et cela permet de donner des environnements d’apprentissage pouvant offrir du soutien aux enfants.
La pandémie de la COVID-19 a causé la fermeture de certains programmes et la diminution du nombre de places. Malgré les places ajoutées au cours des deux dernières années pour les enfants de 0 à 5 ans, certains territoires et provinces ne sont toujours pas revenus au nombre prépandémique. L’Ontario présente un manque à gagner de 31 000 places, le Manitoba, de près de 9000, et la Nouvelle-Écosse a perdu 788 places par rapport à 2019. À l’échelle nationale, 97 859 places ont été ajoutées depuis 2020 pour le groupe d’âge de la naissance à 5 ans. Pour les enfants de la naissance à 12 ans, l’offre a augmenté de 7,1 pour cent.
Évolution du nombre de places en garderies (0 à 5 ans) par province/territoire de 2020 à 2023
Pourcentage de nouvelles places (0 à 5 ans) créés en garderie par rapport aux objectifs 2026 par province/territoire
Changement du nombre de places en garderies réglementées (de 0-12 ans) par province/territoire 2020 à 2023
En se concentrant principalement sur l’accessibilité offerte aux parents et la création de nouvelles places, les Accords ont ignoré la crise de la main-d’œuvre qui se profile à l’horizon. L’attention accordée au recrutement du personnel dans certaines provinces et certains territoires est marginale, et de nombreuses nouvelles places agréées ne sont toujours pas fonctionnelles. Parallèlement à la nécessité de pourvoir les postes vacants, il faut trouver 32 000 éducatrices supplémentaires, ainsi que le personnel de soutien nécessaire à la création des 250 000 nouvelles places promises par les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.
Le point de référence du REPE évalue qu’on offre l’accès à au moins 50 pour cent des enfants de 2 à 4 ans à une garderie subventionnée ou un programme donné dans une école. Les congés parentaux couvrent généralement les premières années de vie, et la maternelle accueille les enfants de 5 ans —ce qui fait que la cohorte des 2 à 4 ans est celle recevant le moins de services. L’Ontario, l’Alberta et le Yukon ont nouvellement atteint ce point de référence de 50 pour cent pour ce groupe d’âge, en 2023. L’Île-du-Prince-Édouard demeure la chef de file, avec des places réglementées pour 83 pour cent des 2 à 4 ans. À l’échelle nationale, l’accessibilité définie par cette mesure a légèrement augmenté, passant de 54 pour cent en 2020 à 58 pour cent en 2023. Ces chiffres ne tiennent pas compte des garderies en milieu familial.
Modification de la capacite en EAJE par rapport au pourcentage d'enfants de 2-4 ans per province/territoire, 2020 et 2023
Dans bien des cas, la maternelle est la seule éducation à la petite enfance que reçoivent les enfants. Le fait de passer deux années dans un programme préscolaire est associé à de plus grandes capacités en littératie et en numératie, ainsi qu’à de meilleures compétences d’autorégulation. Lorsque le préscolaire est offert pour la journée entière, cela favorise aussi la présence des mères sur le marché du travail.
La maternelle 5 ans est offerte partout au pays. Neuf provinces/territoires offrent la maternelle pour la journée entière. Le Manitoba, la Saskatchewan, l’Alberta et le Nunavut ont des programmes de demi-journée. Le Nunavut fait l’essai de la maternelle pour la journée entière dans l’optique de l’offrir partout sur son territoire.
D’autres provinces/territoires se sont basés sur leur plateforme éducative pour diversifier les occasions d’apprentissage pour les plus jeunes. La Nouvelle-Écosse, l’Ontario et les Territoires du Nord-Ouest offrent l’école maternelle universelle pour la journée entière; le Québec et le Yukon s’orientent vers l’accès universel. Le Manitoba, la Saskatchewan et l’Alberta ont des programmes préscolaires de demi-journée conçus pour les enfants ayant des besoins particuliers.
Participation aux programmes d'EAJE orérés par les écoles, par province/territoire 2023
Les enfants vivant avec des handicaps ont le droit de fréquenter l’école, mais à quelques exceptions près, la garderie n’est pas considérée comme un droit. Les provinces/territoires offrent tous des bourses ou d’autres formes de soutien pour accueillir les enfants ayant des besoins spéciaux, mais les responsables de garderies ne sont pas tenus de les utiliser. Seul le Manitoba a rendu son financement de la garde d’enfants conditionnel à l’inclusion des enfants ayant des besoins spéciaux. L’Île-du-Prince-Édouard exige l’accueil inclusif dans son réseau public de Centres de la petite enfance désignés, tout comme l’Alberta dans ses Services au préscolaire et, plus récemment, le Nouveau-Brunswick avec ses Garderies désignées d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.
Provinces/territoires où le financement public des services de garde d'enfants est conditionnel à l'inclusion d'enfants ayant des besoins spéciaux
"Ceux qui ont le moins accès à l’apprentissage et la garde des jeunes sont les enfants qui ont des besoins complexes, les enfants racialisés (en particulier les nouveaux Canadiens) et ceux qui sont marginalisés sur le plan économique. L’expansion à elle seule ne permet pas l’inclusion des groupes vulnérables. Pour accueillir ces enfants, il faut planifier et agir avec détermination, de l’emplacement à la conception des installations, en passant par un programme d’études approprié, la sensibilisation, l’embauche de personnel et sa formation, afin de leur offrir un environnement qui puisse répondre adéquatement aux besoins de chacun."
- Dr. David Philpott Chercheur — Consultant — Défenseur.
Milieu D'Apprentissage
La recherche le montre clairement : la base d’un apprentissage de qualité chez les jeunes enfants est d’avoir une main-d’œuvre qualifiée et appréciée. Les plans d’action des Accords ont suivi différentes voies pour répondre aux besoins de la main-d’œuvre, avec des résultats variables.
Les régions qui ont adopté des grilles salariales ont constaté une forte augmentation des salaires des membres du personnel éducatif à la petite enfance et comblent l’écart salarial entre ceux-ci et les enseignants du primaire. Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nunavut ont mis sur pied des grilles salariales comprenant une augmentation des salaires de 25 pour cent depuis le REPE 2020. La grille salariale des Territoires du Nord-Ouest est en préparation. En Alberta, le supplément salarial a fait augmenter le salaire annuel des éducatrices de 62 pour cent par rapport à 2020. Au Yukon, le supplément salarial, introduit avant les Accords, a fait des éducatrices de ce territoire celles qui sont les mieux payées au pays. Les augmentations régulières ont suivi le rythme de l’inflation. La province ayant le moins augmenté les salaires depuis 2020 est l’Ontario, qui a un plancher salarial. Avec une augmentation de seulement 3 pour cent au cours des trois dernières années, l’Ontario continue de connaître des pénuries de main-d’œuvre sans précédent.
L’Île-du-Prince-Édouard (Centres de la petite enfance désignés), la Nouvelle-Écosse, le Québec (Centres de la petite enfance), le Nunavut, le Nouveau-Brunswick (Garderies désignées d’apprentissage et de garde des jeunes enfants) et Terre-Neuve-et-Labrador possèdent des grilles salariales qui tiennent compte de la diplomation et de l’expérience des employés, et la plupart reconnaissent les responsabilités supplémentaires des postes de direction. L’échelle salariale de la Nouvelle-Écosse reconnaît les directeurs adjoints aussi, comme le Manitoba, dont les lignes directrices salariales prévoient également la rémunération des directeurs en fonction du nombre d’enfants sous leur garde. Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest prévoient un salaire supplémentaire pour le personnel éducatif de garde qui travaille en régions éloignées. Les échelles salariales du Québec (Centres de la petite enfance) et du Nunavut incluent tout le personnel, y compris les cuisiniers, les postes administratifs et les employés de garde. Terre-Neuve-et-Labrador offre aussi un supplément salarial au personnel éducatif de garde de langue française.
Le point de référence du REPE portant sur les salaires des éducatrices est que leurs revenus doivent équivaloir aux deux tiers du salaire d’un enseignant au primaire. Cela tient compte des différentes exigences en matière de formation. En 2020, seul le Québec a atteint ce point de référence. Les Accords ont eu un impact sur la rémunération des éducatrices. En 2023, huit provinces/territoires ont atteint ou dépassé ce point de référence.
Si toutes les approches haussent la rémunération des éducatrices, les planchers salariaux et les compléments de salaire pénalisent les responsables qui versent un salaire décent à leur personnel. Dans ce cas, ceux qui paient le plus reçoivent peu ou pas de soutien pour leur personnel, tandis que ceux qui paient moins reçoivent plus.
Évolution du salaire du personnel éducatif en garderies par province/territoire (2011-2023)
Au Canada, les provinces/territoires n’exigent pas des employés qui travaillent avec les jeunes enfants dans des garderies subventionnées qu’ils aient fait des études postsecondaires. La norme minimale internationale est que deux tiers du personnel travaillant directement avec les enfants possède une formation en développement de l’enfance. Le respect de cette norme est un indicateur de l’importance accordée à l’éducation à la petite enfance. Le Nouveau-Brunswick, la Saskatchewan, l’Alberta, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest n’ont pas encore atteint ce point de référence. La Colombie-Britannique et l’Ontario atteignent ce seuil dans certains groupes spécifiques seulement. Pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre pendant la pandémie, le Québec a abaissé ses exigences portant sur les membres du personnel formés à un ratio de 1 sur 3, avec l’objectif de revenir à un ratio de 1 sur 2 à partir du 1er avril 2024. Au Nunavut, le personnel éducatif n’est pas tenu de posséder un diplôme dans les garderies subventionnées.
"Le personnel éducatif en garderie est la base d’un système de haute qualité pour l’apprentissage et la garde des jeunes enfants. Un financement adéquat, des grilles salariales provinciales communes, des avantages sociaux et des conditions de travail favorables encourageront le personnel formé à rester dans ce domaine, amélioreront la satisfaction à l’emploi et attireront de nouveaux professionnels vers le milieu"
- Jodie Kehl, Directrice exécutive, Manitoba Child Care Association.
Ratio d'éducatrices de la petite enfance diplomées et non diplomées dans les groupes préscolaires par province/territoire.
La formation professionnelle continue est un élément de premier plan pour s’assurer que le personnel éducatif en petite enfance soit toujours à jour en ce qui a trait au curriculum, aux approches pédagogiques, aux enjeux du moment et aux changements politiques et législatifs. À l’exception du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta, la plupart des provinces/territoires imposent des exigences minimales quant au développement professionnel pour le maintien de la certification ou de l’emploi.
Plusieurs provinces/territoires ont consacré les fonds de la stratégie fédérale pour la main-d’œuvre au développement des perspectives professionnelles pour les éducatrices. Terre-Neuve-et-Labrador et l’Île-du-Prince-Édouard ont augmenté le nombre de places disponibles dans les centres de formation, créant ainsi une plateforme durable pour développer la main-d’œuvre. La majorité des autres provinces/territoires ont offert des bourses d’études. Les bourses pour les étudiants, comme les subventions directes aux parents, ne se soldent pas en une infrastructure durable pour le développement de la main-d’œuvre.
Les provinces et territoires possèdent un cadre pédagogique. Ce curriculum est obligatoire à Terre-Neuve-et-Labrador, à l’Île-du-Prince-Édouard (Centres de la petite enfance désignés), en Nouvelle-Écosse (le préscolaire et les garderies reçoivent des fonds publics), au Nouveau-Brunswick (programmes des Garderies désignées d’apprentissage et de garde des jeunes enfants), en Ontario (EarlyON Centres), au Manitoba (programmes financés), en Colombie-Britannique (Programmes StrongStart), dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut. Au Québec, l’utilisation du curriculum est obligatoire dans tous les programmes incluant les garderies subventionnées en milieu familial. Les provinces/territoires ont tous harmonisé leurs curriculums en éducation à la petite enfance avec la maternelle.
Responsabilité
La collecte de données, le suivi et la publication de rapports font partie intégrante de la responsabilité démocratique, essentielle pour la prise de décisions éclairées et qui garantit que les ressources sociales sont mises en œuvre de manière productive et efficace, mais aussi que les ressources, souvent rares, sont distribuées de façon équitable et que les objectifs sociaux sont atteints.
Le suivi ne permet pas à lui seul d’obtenir des résultats. Il constitue néanmoins un élément essentiel d’un système plus vaste conçu pour atteindre ces résultats et continuer à rendre des comptes aux Canadiennes et Canadiens.
Les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada exigent que les provinces/territoires produisent un rapport public au plus tard le 1er octobre de chaque année de l’accord sur les résultats et les dépenses de la précédente année financière.
Ils demandent aussi aux provinces/territoires de produire un rapport public, au plus tard le 1er octobre de chaque année de l’entente, sur les résultats et les dépenses de la dernière année fiscale. Au lieu d’un rapport public obligatoire, il s’agit là d’un processus interne entre les deux niveaux de gouvernement. La plupart des provinces/territoires ont poursuivi avec leurs mécanismes de rapports réguliers, qui ne respectent pas tous les conditions prévues par les Accords.
L’Ontario est la seule province à rapporter ses avancées selon le format prévu par les Accords. Le Québec n’est pas signataire des Accords, mais il dispose de ses propres procédures d’établissement de rapports.
Le point de référence 20 établit des normes pour les installations de maternelle offerte à l’école. Par exemple, il faut pouvoir accéder facilement aux toilettes et aux espaces extérieurs, et aménager un espace pour permettre l’apprentissage par l’expérience. L’Île-du-Prince-Édouard et le Nunavut n’ont pas de normes précises pour la maternelle.
Toutes les régions utilisent les outils de suivi de la santé de la population pour évaluer comment vont les enfants, mais ces outils varient énormément, ce qui rend les comparaisons plus difficiles. Les outils existants ne répondent pas aux besoins du Nunavut vu ses régions peu populeuses, ils ne sont donc pas utilisés dans ce cas en raison du manque de données.
"On promet un changement transformationnel avec le Plan d’apprentissage et de garde des jeunes enfants pancanadien, soit d’aller vers un système d’éducation précoce qui est abordable, accessible, de grande qualité et inclusif. Pour atteindre ces objectifs, le leadership de tous les paliers de gouvernement est essentiel, et ce, à travers tous les systèmes. L’investissement à long terme doit être envisagé dans une perspective d’équité, à l’avant-garde des changements visant à garantir que l’éducation et la garde des jeunes enfants sont adaptées et reflètent tous les besoins des enfants, des familles et des éducatrices dans chaque communauté."
- Jessie-Lee McIsaac, PhD, Chaire de recherche du Canada sur la petite enfance : diversité et transition, Professeure agréée, Faculté de l’éducation et Département Child and Youth Study, Mount Saint Vincent University
Prochaine Étape
Les Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants fonctionnent bien. Les parents profitent de tarifs plus bas pour la garde d’enfants. Les éducatrices sont assurées d’obtenir un meilleur salaire. À ce point dans le développement de ce programme national, ses bases devraient être solides; ses avantages sont suffisamment nombreux pour que son retrait ne soit pas politiquement indésirable.
Les Accords n’ont pas atteint ce seuil dans toutes les provinces et tous les territoires, pour la simple raison qu’il n’y a pas assez de familles qui ont accès à des services de garde convenables pour leurs enfants. Les régions qui comptent 70 pour cent ou plus de la population d’enfants admissibles participant à des programmes d’EAJE peuvent certainement susciter la volonté politique de protéger les acquis. Là où un enfant sur deux ou plus est exclus, on pourrait voir naître des divisions et l’envie d’abandonner les services de garde d’enfants au profit de coupons « universels ».
Les Accords pourraient être sapés progressivement. Nous sommes déjà témoins de responsables qui se révoltent en raison des montants des frais de remplacement qui n’ont pas bougé depuis le début du programme en 2021. Les augmentations salariales peuvent être maintenues en dessous de l’inflation ou bloquées, ce qui limite les gains possibles en matière de rémunération. Le financement fixé par la loi à un minimum de personnel et de fonctionnement entraîne une baisse de la qualité et mine le moral des éducatrices.
Les formules de financement basées sur le remplacement des frais parentaux et les augmentations de salaire peuvent pénaliser les responsables. Ceux qui ont imposé les frais les plus élevés au début des Accords reçoivent davantage que ceux qui se sont efforcés de maintenir les frais plus bas. Les responsables les plus avares augmentent les salaires de leur personnel en utilisant des fonds publics, tandis que ceux qui ont toujours accordé la priorité à des salaires équitables peuvent ne rien recevoir.
Pour certains territoires et provinces, il s’agit là des problèmes possibles; ce qui survient lors de la transition désordonnée d’un mécanisme de régulation du marché à un service public. Pour d’autres, il est difficile de ne pas se demander si le sous-financement et le manque de transparence ne sont pas en fait destinés à garantir le maintien du statu quo.
Les gouvernements se plaignent que les Accords ne fournissent pas suffisamment de fonds pour atteindre leurs buts. C’est le cas, mais les provinces ne dépensent pas les fonds qui leur ont été accordés. Pour la troisième année consécutive, elles ont reporté des fonds non dépensés. Les budgets des services de garde d’enfants augmentent, mais ces augmentations sont presque toutes attribuées aux fonds provenant du fédéral.
Tous reconnaissent que le défi le plus grand est celui de l’accessibilité, mais certains n’ont pas réussi à publier leurs plans d’expansion. Certains n’ont pas de budget d’investissement. Parmi ceux qui en ont, le niveau de financement au démarrage est si faible que seuls les exploitants commerciaux ou les organismes les mieux établis peuvent couvrir le manque à gagner.
Le gouvernement fédéral n’est pas sans reproche non plus. Il a signé des ententes qui permettent la prolifération de garderies commerciales, ouvrant ainsi la porte aux chaînes d’entreprises. Le seul outil de contrôle annoncé—le rapport détaillé, province par province, des dépenses, de la portée et des réalisations—n’a pas été maintenu. Le financement ponctuel pour remédier à la pénurie de main-d’œuvre encourage les provinces à adopter la même approche, c’est-à-dire à dépenser pour des initiatives à court terme plutôt que d’opter pour des changements stratégiques. Ceux qui envisagent d’utiliser les fonds fédéraux pour développer les services d’EAJE en « éduquant vers le bas », c’est-à-dire en élargissant l’accès à des enfants de plus en plus jeunes par l’intermédiaire de leurs écoles, se heurtent à des obstacles. En refusant l’utilisation des fonds fédéraux pour développer les services d’EAJE gérés par les écoles, le gouvernement a bloqué la seule infrastructure établie capable d’augmenter rapidement la capacité d’accueil.
L’implantation inégale d’un nouveau programme social est un problème connu. On peut espérer que certains territoires/provinces profiteront de l’occasion que leur offrent les Accords pour bien gérer les services de garde d’enfants et qu’ils deviendront des modèles de réussite qui en inspireront d’autres.
Pour être efficace, il faut mettre l’accent sur les enfants et leur avenir. En leur accordant une place centrale, nous constaterons également une plus grande participation économique des femmes et une réduction de la pauvreté au sein des familles, ainsi que des inégalités raciales et culturelles.
Un système d’EAJE robuste dépend des personnes qui en sont responsables. Les éducatrices ont besoin de tout le soutien nécessaire à une main-d’œuvre professionnelle, notamment une bonne gestion, une représentation professionnelle, des perspectives d’emploi, des collègues qualifiés et la reconnaissance publique. Les Accords devraient hausser la barre pour la main-d’œuvre, et non ramener tout le monde à des minima imposés par la loi.
Les mesures relatives à l’accessibilité doivent s’attaquer aux mécanismes de protection sociale obsolètes qui associent l’éligibilité aux subventions pour les services de garde d’enfants à la participation des parents sur le marché de l’emploi. Cela pénalise particulièrement les enfants les plus vulnérables, qui se voient refuser l’inscription ou qui entrent et sortent des programmes d’EAJE parallèlement à l’emploi précaire de leurs parents.
Le gouvernement fédéral s’est efforcé de remédier au sous-financement chronique des programmes pour la petite enfance destinés aux enfants autochtones et aux groupes traditionnellement mal desservis, notamment les enfants ayant des besoins particuliers, les locuteurs de langues minoritaires et les enfants vivant dans des communautés isolées. Si l’équité n’est pas prise en compte, l’universalité des services de garde d’enfants restera un objectif hors de portée.
Les résultats du REPE 2023 peuvent surprendre. Les scores ne sont pas une mesure du succès. Limités par les données disponibles dans les provinces et les territoires, ils constituent une mesure grossière des progrès accomplis pour atteindre les normes minimales. Conformément aux discussions avec les responsables, ils seront mis à jour pour le REPE 2026 afin de mieux refléter le potentiel des Accords sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada.
Rapport sur l'éducation à la petite enfance 2023