Quelle différence cela pourrait-il faire auprès des familles élevant de jeunes enfants, en fait auprès de chacun de nous, si tous les enfants pouvaient participer à un programme comme celui qui est offert à la Bruce School ou dans plusieurs autres collectivités exemplaires?
Revenons à la famille cible du début de ce chapitre. Dans sa courte entrevue, la mère décrit les nombreux défis quotidiens auxquels elle doit faire face et qui pourraient devenir des problèmes à long terme s’ils ne sont pas surmontés. Au lieu d’être « stressée » et « dépressive » à la maison avec un nouveau-né et un bambin colérique, elle a pu, grâce au centre, fuir l’isolement auquel les mères de nouveau-nés sont souvent confrontées. À titre de nouvelle Canadienne, elle a trouvé un réseau social à l’école. De plus, le programme lui a permis de relaxer, d’allaiter son bébé et de régulariser le comportement de son tout-petit. Entre-temps, ses fils aînés n’ont pas éprouvé de problèmes à quitter la maternelle et le centre familial pour aller à l’école et ils réussissent bien. Magela communique tous les jours avec leurs enseignants et la famille se rassemble souvent pour dîner ou pour des événements parascolaires.
Cette belle histoire n’est pas simplement celle d’une mère immigrante qui demeure à la maison. Généralement, l’intégration des nouveaux Canadiens est considérée strictement du point de vue de la justice sociale. Malgré tout, encourager l’équité sociale a de vraies répercussions sur la rentabilité et la croissance économique. Le Canada n’a pas réussi à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants. Des études se sont penchées sur les coûts de base de l’isolement et du développement subséquent des enclaves d’immigrants.36 Elles ont également analysé les avantages économiques liés à la mise sur pied d’excellents réseaux de quartier et à la mise en valeur des talents des nouveaux Canadiens. Pour un pays comme le Canada, dont l’existence en soi dépend de l’immigration, le fait que l’école accueille les nouveaux arrivants constitue un programme très sensé sur le plan financier.
Si le centre permettait d’éviter ne serait-ce qu’une seule dépression maternelle, il en vaudrait plus que la peine. La dépression maternelle perturbe la relation mère-enfant et augmente les risques que les enfants éprouvent des problèmes d’apprentissage et des troubles émotionnels et comportementaux.37 La plupart des nouvelles mamans et jusqu’à 25 % des nouveaux papas font une dépression, de très légère à très sévère.38 Lorsque la dépression est diagnostiquée tôt, des études ont montré que l’expansion du réseau d’appui de la mère, l’orientation de groupe et même les classes de massage pour bébé ont des effets positifs.39 Les programmes d’éducation de la petite enfance procurent un environnement stimulant et sans jugements et permettent aux professionnels de la petite enfance et de la santé de rencontrer régulièrement les nouveaux parents et leurs bébés et de combler leurs attentes, au besoin.
Soutenir les mamans qui allaitent constitue une des nombreuses façons dont les programmes d’éducation de la petite enfance peuvent contribuer au bon développement des jeunes enfants en aidant leurs parents. L’allaitement comporte non seulement d’excellents avantages nutritionnels, immunologiques et émotionnels pour la croissance et le développement des enfants en bas âge, mais il protège également la santé mentale des mamans. Le centre familial permet entre autres d’avoir accès à des infirmières de la santé publique qui sont spécialisées dans le soutien à l’allaitement.
Le stress et la dépression ne se ressentent pas seulement chez les nouvelles mamans, ni chez les familles immigrantes, monoparentales ou ayant des difficultés financières. La génération « sandwich » doit prendre soin des jeunes enfants et des parents vieillissants. Elle travaille plus longtemps et plus fort et la sécurité d’emploi n’est pas considérée comme une option.40 Un sondage du Conference Board du Canada a révélé que la mère professionnelle est l’employé le plus épuisé.41
Le stress ressenti par les parents n’est pas bénéfique pour leurs enfants. Il perturbe la capacité des parents à gérer leur propre comportement, ce qui leur laisse peu de ressources pour régulariser le comportement de leurs enfants. Plus les parents sont perturbés, moins ils sont enclins à jouer un rôle positif auprès de leurs enfants. Le stress parental chronique a des répercussions sur les enfants. Les chercheurs ont établi un lien entre le stress parental chronique et le dossier scolaire médiocre de leurs enfants.42
Catherine Porter, chroniqueuse pour le Toronto Star, a décrit sa tension croissante alors qu’elle attend le métro à la fin de chaque journée de travail : « [A]lors que l’école de quartier pourrait accepter [ma fille] Lyla pour toute une journée, elle n’accepte pas mon fils Noah. Il est trop jeune. Il devra aller à l’ancien service de garde de Lyla, un arrêt plus loin. Deux arrêts le matin. Deux arrêts le soir. J’éprouve deux fois plus de stress en attendant le métro. C’est ce qu’on appelle “jongler” avec la réalité des services de garde. »43
Des chercheurs ont montré que les parents dont les enfants participent à des programmes intégrés à leur école sont moins anxieux que leurs voisins dont les enfants font partie du système régulier confus.44 Des gains directs ont également été répertoriés pour les enfants. L’évaluation de Sure Start, au Royaume-Uni,45 de Communities for Children, en Australie,46 et de Toronto First Duty47 a révélé que les enfants des quartiers où des services intégrés pour enfants étaient offerts se sont mieux développés sur le plan social,48 qu’ils se comportent mieux et qu’ils font preuve d’une plus grande indépendance ou maîtrise de soi que les enfants qui vivent dans des endroits similaires n’offrant pas de programme intégré.
Les Canadiens doivent accomplir la tâche difficile et importante d’élever des enfants avec un peu plus de facilité. Comme société, nous ne pouvons pas tout avoir. Nous dépendons des femmes sur le marché du travail et nous nous attendons à ce que les familles portent le fardeau social et financier nécessaire pour élever la prochaine génération. Nous devons cependant payer cher lorsque les familles pataugent et que leurs enfants sont délaissés. Les frais liés aux soins de santé sont impossibles à gérer sans promouvoir la santé, et ramasser derrière les enfants tombés entre les mailles du filet n’est pas plus rentable.
Prochain: 7. Payer pour l'inaction
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