Malgré tout, beaucoup croient que les familles s’en sortent bien sans ce type de programme et se demandent qui couvrira les frais qui y sont associés. Les enfants ne s’adaptent pas tous bien. La plupart des provinces déterminent la maturité des enfants en matière d’apprentissage à l’école pendant la maternelle à l’aide de l’Instrument de mesure du développement de la petite enfance (IMDPE). Les enseignants de maternelle utilisent l’IMDPE pour évaluer le développement social, émotionnel, cognitif et physique des enfants. Les données nationales montrent que plus d’un enfant sur quatre est vulnérable lorsqu’il arrive à la maternelle, ce qui le rend plus à risque de subir un échec une fois rendu à l’école.25 Les enfants qui éprouvent de la difficulté à s’intégrer à la maternelle sont moins susceptibles de terminer leur secondaire ou de poursuivre une éducation postsecondaire. À l’âge adulte, ils sont plus susceptibles d’avoir du mal à établir des relations personnelles et à trouver un travail stable. De plus, ils sont plus enclins à être malades, à avoir des dépendances ou à devenir dépressifs. La pauvreté tend à augmenter les retards développementaux, mais ce n’est pas le seul facteur. Les enfants les plus vulnérables ne proviennent pas de familles pauvres. Ils demeurent dans des ménages et des quartiers à revenu moyen et supérieur.26
Les chercheurs et les décideurs politiques font souvent valoir que l’investissement public dans l’éducation de la petite enfance devrait être réservé aux enfants provenant de familles défavorisées. Le problème réside dans le fait que les programmes destinés aux pauvres deviennent des programmes médiocres. Une étude récente a révélé que la qualité de l’enseignement, de l’interaction enseignant-élève et de la prestation de l’apprentissage dans les classes pour les enfants d’âge préscolaire composées d’au moins 60 % d’enfants provenant de familles à faible revenu était beaucoup moins grande que celle dans les classes comportant moins d’enfants provenant de familles à faible revenu.27
Réciproquement, une étude britannique a indiqué que les enfants provenant des familles pauvres qui fréquentaient un établissement préscolaire avec des enfants de la classe moyenne réussissaient mieux que ceux qui étaient éduqués en isolement social et économique.28 Une étude portant sur le programme préscolaire universel de Géorgie a donné les mêmes résultats. Les enfants pauvres ont mieux réussi leurs tests de lecture et de mathématiques lorsqu’ils étaient dans des classes socialement mixtes.29
Tableau 1.8
Les enfants pauvres subissent de nombreux désavantages par rapport aux enfants de la classe moyenne, mais il y a quand même lieu de s’inquiéter : l’écart d’apprentissage entre les enfants de la classe moyenne et ceux qui sont issus de familles aisées est aussi important que celui qui sépare les enfants des familles à faible revenu de ceux de la classe moyenne. Plusieurs enfants de la classe moyenne, particulièrement les garçons,30 décrochent de l’école, ce qui entraîne des répercussions à long terme dans leur vie.31 De plus, le revenu ne protège pas les enfants contre les problèmes d’apprentissage ou la vie de famille moins idéale.
Pourquoi si peu de possibilités s’offrent-elles à tant d’enfants, même à ceux provenant de familles aisées? Parce que pour la première fois dans l’histoire contemporaine, les gens plus âgés enlèvent aux jeunes la richesse et les opportunités. « Les Canadiens se croisent les bras, ignorant que le revenu des jeunes familles est un tout petit peu plus élevé qu’il y a 40 ans. Pendant ce temps, le domaine de l’habitation, la plus grande source de richesse actuelle des enfants de l’après-guerre (baby-boumeurs), représente la source principale d’endettement de la génération “sandwich” », rapporte Paul Kershaw, de l’Université de la Colombie-Britannique, dans le Vancouver Sun. Ce professeur a créé ce sobriquet pour décrire cette génération de familles ayant des enfants qui travaillent plus, qui sont plus responsables et qui obtiennent moins.32 Le fait d’avoir des enfants rend les couples 40 % plus vulnérables à la pauvreté. Le parent seul a, quant à lui, une chance sur deux d’être pauvre.
Les enfants représentent de bons soutiens politiques : il n’existe pas de campagne politique sans la présence et la diversité d’enfants sains, mettant la plateforme du parti en valeur. Malgré tout, les enfants ne font pas partie des priorités publiques. Les soins de santé, qui sont très avantageux pour les personnes âgées, engouffrent une grande portion des dépenses liées aux programmes sociaux. Entre-temps, les baby-boumeurs, la plus riche de toutes les cohortes, demandent à cor et à cri des réductions d’impôts, ce qui empêche le gouvernement d’aider leurs enfants et leurs petits-enfants. Les transferts sociaux généralement utilisés pour freiner les excès du marché aggravent désormais le problème. Les soins de santé sont cinq fois plus avantageux pour une personne âgée que pour un enfant.33 Au cours des trois dernières décennies, le partage des dépenses liées aux programmes sociaux pour les enfants a diminué, tandis que les personnes âgées ont eu droit à des programmes constamment améliorés.34
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