Lancés en 1997, les services à la petite enfance du Québec sont populaires auprès des politiciens. Ils remboursent les usagers et la société au sens large, non seulement en créant de plus grandes attentes en matière de maturité scolaire, mais également en occasionnant des imprévus positifs comme des taux de natalité plus élevés et des taux de pauvreté plus faibles.
L’analyse de l’économiste Pierre Fortin10 du système québécois pour les enfants ne tient pas compte de ces surplus ni des avantages personnels à moyen et à long terme pour les enfants qui fréquentent ces centres. Elle porte plutôt sur les changements dans le comportement de la main-d’oeuvre des mères pour répondre à trois questions :
Les services de garde subventionnés par l’État ne sont pas une condition : la plupart des gens arrivent à s’en sortir sans eux. La ténacité des femmes à s’organiser avec différents arrangements parallèles réduit la pression exercée sur l’État pour trouver des solutions officielles. Toutefois, pour certaines mères, l’absence de services de garde fiables et abordables représente un obstacle incontournable. Elles n’intègrent pas le marché du travail, elles retournent travailler plus tard lorsque leurs enfants entrent à l’école ou elles travaillent à temps partiel. En 1997, les Québécoises étaient moins enclines à travailler que les autres Canadiennes. Aujourd’hui, la situation est complètement renversée. Fortin et ses collègues désiraient déterminer l’écart entre ces femmes qui travailleraient de toute façon et celles qui travailleraient grâce à des services de garde disponibles et abordables.
En 2008, plus de 60 % des enfants québécois âgés de 1 à 4 ans avaient accès à un centre pour enfants subventionné par l’État pour 7 $ par jour. Le système a rapidement pris de l’expansion depuis le lancement du programme, offrant jusqu’à 220 000 places. Il manque environ 22 000 places pour répondre à la demande. En comparaison, dans d’autres provinces, en 2006, seulement 18 % des enfants de ce groupe d’âge participaient à un programme de groupe accrédité.11
Les parents québécois aiment leurs options. Un sondage de 2009 a révélé que 92 % des usagers des centres de la petite enfance ont déclaré que le centre était leur choix numéro un en ce qui a trait aux services de garde.12 En outre, 66 % des parents ayant pris d’autres arrangements pour leurs enfants ont indiqué qu’ils préféreraient que ceux-ci fréquentent un centre de la petite enfance.13
Certaines études portant sur les données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes ont révélé l’influence des services à la petite enfance au Québec sur l’activité des mères sur le marché du travail. Une analyse de 2008 a montré une hausse de 8 % depuis 2000 du taux d’emploi chez les mères ayant des enfants âgés de 1 à 4 ans.14 Entre-temps, le taux d’emploi chez les mères d’enfants de 6 à 11 ans a connu une hausse de 7 %. En 2010, le taux d’emploi chez les mères d’enfants d’âge préscolaire a augmenté de 12 %.15 La majorité des nouvelles travailleuses ne détenaient pas de diplôme d’études postsecondaires, par conséquent, leur rémunération serait modeste. L’accessibilité des services de garde et le fait qu’ils sont peu coûteux éliminaient un obstacle majeur qui empêchait les mères de travailler.16
En 2008, l’analyse personnelle de Fortin a révélé que 70 000 Québécoises de plus travaillaient, ce qui pourrait s’expliquer par les services préscolaires peu coûteux. Cette statistique signifiait une hausse du taux d’emploi de 3,8 % chez les femmes et une hausse du taux d’emploi de 1,8 % pour la province. En tenant compte des heures de travail et de la productivité des nouvelles travailleuses, Fortin a calculé que leur travail ajoutait 1,7 % au PIB du Québec.
Tableau 4.6
Les revenus familiaux plus élevés génèrent plus de recettes fiscales et moins de demandes de transfert ou de crédit du gouvernement, ce qui est bénéfique tant pour le gouvernement du Canada que pour celui du Québec. Les parents dont les enfants fréquentent un centre pour enfants à 7 $ par jour ou qui prennent part à un programme préscolaire n’ont pas droit au crédit d’impôt remboursable du Québec, ce qui réduit le coût net du crédit pour la province. Le gouvernement fédéral prend sa part des impôts payés par les mères au travail, tandis que ses dépenses engagées pour la Prestation nationale pour les enfants, pour le crédit d’impôt pour enfants et pour la Prestation universelle pour la garde d’enfantsc sont réduites. Le gouvernement fédéral économise également en matière de déduction pour frais de garde d’enfants (DFGE). Les parents québécois qui profitent de services de garde à prix réduit ne déboursent pas assez pour avoir droit à la DFGE.
Fortin a utilisé le simulateur de transfert d’impôt de l’Université de Sherbrooke et l’Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR) de Statistique Canada pour estimer les impôts et le transfert des nouvelles travailleuses. Pour chaque dollar public investi dans les programmes d’éducation de la petite enfance, le gouvernement du Québec récolte 1,05 $ en hausse d’impôt et en paiements familiaux réduits, tandis que le gouvernement fédéral a droit à 0,44 $, pour, selon Fortin, « ne rien faire ». Celuici s’attend à ce que les recettes du gouvernement augmentent au fil du temps, car les mères du groupe d’âge des 50 ans et plus (les mères les moins susceptibles de travailler) sont remplacées par des femmes dont l’historique de travail est plus fort.
L’analyse de Fortin remet également en question l’idée que les investissements du Québec dans la petite enfance seraient mieux ciblés pour les familles à faible revenu. Sans ignorer que de meilleurs efforts pourraient être déployés afin de faciliter l’inclusion des enfants provenant de milieux défavorisés, il indique que le Québec compte un pourcentage plus élevé d’enfants provenant de familles à faible revenu fréquentant un établissement préscolaire que n’importe quelle autre province, incluant les provinces où le financement public est uniquement offert aux pauvres. De plus, Fortin démontre que restreindre l’accès des familles à revenu moyen et modéré aux services de garde abordables limiterait leur capacité à gagner un salaire, à réduire leur contribution fiscale et à ajouter à leurs demandes de prestation, privant ainsi le gouvernement d’une importante source de revenus pour les dépenses sociales.
Tableau 4.7
c La Prestation nationale pour enfants (PNE) et le crédit d’impôt pour enfants (CIE) tiennent compte du revenu familial. La Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) constitue un avantage imposable plus important pour les familles biparentales à revenu unique que pour les familles monoparentales ou celles à deux revenus.
Prochain: 7. Investir intelligemment dans la petite enfance
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